Qu'est-ce que le SIBO ?
La colonisation bactérienne chronique de l'intestin grêle (Small Intestinal Bacterial Overgrowth, SIBO) se caractérise par une présence excessive de bactéries dans le petit intestin, entraînant divers symptômes gastro-intestinaux tels que les ballonnements, les gaz, les douleurs abdominales, la diarrhée ou la constipation (1,2). Le SIBO résulte généralement de la défaillance des mécanismes de protection du système digestif contre l'invasion de pathogènes (1). Plusieurs conditions telles qu'une diminution de l'acidité gastrique (gastrite, prise d’inhibiteur de pompe à protons), une altération de la motilité intestinale (gastroparésie, prise de narcotiques), un changement structurel (diverticulose, résection de la valve iléo-cæcale, chirurgie bariatrique), une dysfonction immunitaire (fibromyalgie, fibrose kystique, sclérose en plaques) ou une altération de la fonction digestive en général (syndrome du côlon irritable (SCI), maladie de Crohn, maladie cœliaque), sont associées à une plus grande prévalence de SIBO (1,2).
Comment diagnostiquer le SIBO?
Le diagnostic du SIBO demeure un sujet de débat, avec des critères diagnostiques variables (3,4). Le gold standard actuel pour le diagnostic du SIBO est la culture bactérienne suite à l'aspiration des fluides intestinaux, avec une valeur seuil de ≥ 103 CFU/mL (1-3). Cette méthode présente toutefois plusieurs limites, notamment son caractère invasif, les problèmes de contamination (5), sa durée, sa difficulté technique et son coût (2). La biopsie endoscopique du petit intestin est également une technique intéressante, offrant des résultats similaires à la culture des fluides intestinaux (6), mais les risques de contamination sont également élevés (1).
En raison de ces limites, un test indirect est généralement privilégié, soit un test respiratoire au lactulose ou au glucose. Ce test est non invasif, simple, disponible et peu coûteux (4). Les cellules humaines ne produisant pas d'hydrogène ni de méthane (7), une concentration élevée de ces gaz dans la respiration peut donc indiquer un SIBO (2). Les résultats peuvent se présenter comme suit : hydrogène-dominant, méthane-dominant ou mixte (2). De manière intéressante, les patients ayant un profil méthane-dominant sont 5 fois plus à risque de souffrir de constipation (8). Bien que les deux tests aient la même spécificité, certains ont rapporté une plus grande sensibilité et précision diagnostique avec le test au glucose (4). Selon les dernières lignes directrices européennes sur les tests respiratoires à l'hydrogène et au méthane, différents protocoles et critères diagnostiques sont disponibles, bien que les valeurs seuils utilisées soient souvent 10-12 ppm pour 50 g de glucose ou pour 10-20 g de lactulose (4). Le consensus suggère qu'une valeur seuil de 5 ppm combinée à une autre technique, telle que la scintigraphie, pourrait permettre une meilleure sensibilité sans sacrifier la spécificité (4). De leur côté, les lignes directrices émises par le Collègue Américain de Gastroentérologie (ACG) recommandent une valeur seuil de ≥ 20 ppm au-dessus de la valeur normale en 90-120 minutes pour une ingestion de 75 g de glucose ou 10 g de lactulose (1). Cependant, cela serait associé à un trop grand nombre de faux positifs selon les lignes directrices européennes (4). Malgré les avantages cités ces tests nécessitent encore une standardisation et une interprétation prudente, compte tenu du nombre élevé de faux positifs (1,4).
Au-delà des signes gastro-intestinaux, certaines déficiences nutritionnelles peuvent être présentes, comme une carence en vitamine D (1) et vitamine B12 (1,5). Une élévation du folate peut également être présente, car les bactéries en produisent (1,5), de même qu'une déficience (due à une diminution de l'absorption) ou une élévation (synthèse par les bactéries) de la vitamine K (5).
Gestion du SIBO
Le traitement du SIBO consiste à 1) provoquer une rémission (donc, réduire la prolifération bactérienne), 2) corriger les carences nutritionnelles au besoin, 3) traiter la cause et 4) établir un maintien de la rémission à long terme (2,5). Le SIBO est généralement traité par des antibiotiques (1-3). Plusieurs sont possibles, mais la Rifaximine est la plus étudiée dans les cas de troubles gastro-intestinaux (2). Cependant, la Rifaximine serait moins efficace pour les patients méthane-dominants (2). Cela s’expliquerait par le fait que le principal producteur de méthane, Methanobrevibacter smithii, est une archée résistant à plusieurs antibiotiques (2). Une étude aurait observé qu'une combinaison de Rifaximine et de Néomycine permettrait une diminution notable de la production de méthane chez plus de 80 % des sujets (9,10) ainsi qu’une amélioration significative des symptômes gastro-intestinaux (10) chez ceux ayant des symptômes de constipation, alors que leur utilisation séparée n'aurait pas d'effet bénéfique substantiel.
Pour les patients dont le traitement antibiotique n'a pas été efficace, la diète élémentaire peut constituer une option viable. Ce traitement, qui consiste à adopter une alimentation liquide composée de nutriments facilement assimilables pendant 2 ou 3 semaines, représente une alternative sûre et efficiente (2). En théorie, la formule élémentaire est absorbée dans la première partie de l'intestin, limitant ainsi l'accès aux nutriments pour les bactéries colonisant le petit intestin (11). Une étude portant sur 124 patients souffrant de SIBO a également observé une normalisation du test respiratoire après 3 semaines de diète élémentaire (12). Chez ces patients, une amélioration des symptômes de 66 % a été constatée (12).
Enfin, un traitement à base de plantes médicinales peut également être envisagé si le traitement antibiotique ne donne pas les résultats escomptés. Selon une étude, un traitement composé de 10 herbes médicinales pendant 4 semaines chez 37 patients ayant obtenu un résultat positif au test respiratoire a permis une normalisation de ce dernier chez 46 % des patients, contre 36 % des patients traités à la Rifaximine ; cette différence n'étant pas significative (13). Toutefois, cette piste prometteuse est limitée par le manque d'études sur le sujet.
En ce qui concerne la rémission à long terme, traiter la cause du SIBO, lorsque cela est possible, demeure un élément crucial (2). Cet aspect ne sera pas discuté dans cet article.
Traitement nutritionnel
Le traitement nutritionnel pour la rémission est encore sujet à débat, en raison du manque d'études sur cette pathologie. De manière générale, l'objectif du traitement nutritionnel est de limiter les symptômes et de pallier les carences. L’ACG recommande donc une réduction des aliments fermentescibles (1). Ainsi, les fibres fermentescibles telles que l'inuline, les sucres alcool et les édulcorants fermentescibles comme le sucralose doivent être limités (1). L'approche sans FODMAPs a également suscité de l'intérêt dans le traitement du SIBO. Une revue de la littérature publiée en 2022 conclut que, bien qu'un régime sans FODMAPs puisse permettre une diminution de la production d'hydrogène mesurée par tests respiratoires, une altération du microbiote intestinal est observée (14). La revue souligne également que l'ajout de fibres solubles est crucial pour atteindre l'eubiose (14). Cependant, les études se concentrent sur les patients souffrant du syndrome du côlon irritable (SCI) et non du SIBO, limitant l'interprétation des résultats.
En ce qui concerne les probiotiques, une méta-analyse conclut que l'introduction d'un probiotique peut entraîner une décontamination, une réduction de la production d'hydrogène ainsi qu’une diminution de la douleur abdominale (15). Cependant, l'utilisation de probiotiques multisouches variés dans les études ne permet pas de déterminer quelles souches pourraient être bénéfiques pour traiter le SIBO (14). Afin d'éviter d'exacerber la prolifération bactérienne, l'utilisation d'un probiotique à base de levure (Saccharomyces boulardii) est une technique employée par des nutritionnistes spécialistes en gastroentérologie (16).
Enfin, une dernière approche intéressante dans le traitement du SIBO concerne les comportements alimentaires. Selon une revue de la littérature, une mastication adéquate, une durée de repas plus longue et un rythme prandial régulier sont associés à une diminution du risque de développer un SCI et une réduction des douleurs abdominales (14). Le complexe moteur migrant (CMM), en particulier la phase III, a attiré l'attention de nombreux chercheurs. Cette activité contractile du système digestif qui a lieu pendant les périodes interdigestives (entre la prise de 2 repas) permet d'éliminer les particules alimentaires, les sécrétions et l'excès de bactéries vers le côlon (17) et est cruciale pour maintenir un équilibre de la flore intestinale (2). Il a été observé que les patients présentant un SCI ou un SIBO ont une fréquence et une intensité réduite de la phase III du CMM (18). Ainsi, un rythme prandial régulier et l'absence de grignotage semblent également être des éléments clés dans la prévention et le traitement du SIBO (14).
Le SIBO est une pathologie encore mal comprise et complexe, tant en ce qui concerne ses nombreuses causes qu'en ce qui concerne son diagnostic et son traitement. D'après les données probantes actuelles, un traitement nutritionnel personnalisé équilibrant la gestion des symptômes gastro-intestinaux et le maintien du microbiote intestinal semble être un élément crucial dans le traitement du SIBO. Un(e) nutritionniste d'ÉquipeNutrition sera en mesure de trouver la meilleure solution pour vos patients. Contactez-nous pour en apprendre davantage sur nos services et sur notre approche.
Références:
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