
La maladie diverticulaire touche particulièrement les populations âgées : elle est présente chez 20 à 50 % des personnes de plus de 50 ans, et jusqu’à 66 à 85 % des personnes de 85 ans et plus (1). Bien que souvent asymptomatique, elle peut évoluer vers une diverticulite dans 5 à 20 % des cas, avec un risque de complications graves nécessitant parfois une chirurgie d’urgence (2).
Étiologie et pathophysiologie
La maladie diverticulaire se caractérise par la formation de diverticules, qui sont de petites poches se développant dans la paroi du côlon (3). La diverticulose est la forme silencieuse, ne causant ni symptômes ni complications dans la majorité des cas (3). Cependant, une inflammation ou une infection de ces diverticules, nommée diverticulite, peut entraîner des douleurs abdominales, de la fièvre, voire des complications graves, telles que des abcès, des fistules, des occlusions intestinales ou encore une perforation nécessitant des interventions chirurgicales (2).
Bien que l’origine de la maladie diverticulaire demeure partiellement incomprise, plusieurs facteurs de risque sont reconnus : l’âge, l’obésité, la sédentarité, l’alcool, le tabagisme, ainsi que l’usage de certains médicaments (notamment les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les corticostéroïdes et les opioïdes) (4). Des données probantes indiquent également que certains facteurs de risque sont spécifiques à l’alimentation, tels que la consommation de viande rouge (transformée et non transformée). Pour la prophylaxie primaire de la maladie diverticulaire, il est recommandé de limiter sa consommation à moins d'une fois par semaine (14). En effet, une consommation hebdomadaire supérieure à 105–135 g augmente le risque d'environ 50 % de manière linéaire, atteignant un plateau autour de 540 g (5). Une alimentation pauvre en fibres peut également entraîner une constipation chronique et une augmentation de la pression intraluminale, ce qui pourrait favoriser la formation de diverticules (6). D’autres mécanismes possibles ont également été identifiés : altération du tissu conjonctif, motilité intestinale anormale, hypersensibilité viscérale, dysbiose du microbiote intestinal, prédisposition génétique, et anomalies du collagène dans la paroi intestinale (4).
Quant à la progression vers la diverticulite, des données épidémiologiques suggèrent que l’inflammation chronique, caractérisée par des marqueurs sanguins tels que la CRP et l’IL-6, ainsi que par le potentiel inflammatoire du régime alimentaire, pourrait jouer un rôle clé. Ces facteurs ont été associés à un risque accru d'incidence de diverticulite chez des hommes âgés de 59 ans (21). En effet, ceux ayant une alimentation très inflammatoire présentaient un risque 30 % plus élevé de développer une diverticulite au cours des 8 années suivantes, comparativement à ceux ayant une alimentation moins inflammatoire (21). Une diète à potentiel anti-inflammatoire — riche en légumes à feuilles vertes, en café, en thé, et pauvre en viandes rouges, en viandes transformées, en céréales raffinées et en boissons sucrées — pourrait constituer une stratégie nutritionnelle prometteuse pour réduire le risque de diverticulite (21). Toutefois, à ce jour, aucune étude clinique ni consensus international ne permet de formuler des recommandations officielles en ce sens.
Thérapies
Traitements médicaux
Pour les formes non compliquées de diverticulite, les lignes directrices les plus récentes suggèrent que l’usage systématique des antibiotiques n’est pas nécessaire chez les patients immunocompétents (7). En revanche, chez les patients présentant une infection sévère ou un abcès, un traitement antibiotique combiné à un drainage percutané (dans le cas d’un abcès volumineux) est recommandé (7). Des traitements anti-inflammatoires ont montré un certain potentiel pour réduire les récidives, bien que les données demeurent controversées (7). En cas de complications majeures (perforation, saignement massif, obstruction intestinale), une intervention chirurgicale devient nécessaire (7).
Thérapie nutritionnelle
Phase symptomatique : diète faible en résidus et probiotique
Lors des épisodes de diverticulite aiguë, un régime liquide exclusif (eau, bouillon clair, jus sans pulpe) est souvent conseillé durant une courte période (2). Par la suite, les aliments solides sont progressivement réintroduits au moyen d’un régime pauvre en résidus (faible en fibres, en peaux et graines de fruits et légumes, en viandes dures, en aliments riches en gras, etc.) (8). Cette progression vers un régime pauvre en résidu vise à réduire le volume et la fréquence des selles pendant quelques jours à quelques semaines afin d’atténuer les symptômes (2). Il est important de rappeler aux patients que cette diète thérapeutique, bien que nécessaire à court terme, ne doit pas être prolongée, car elle peut entraîner des carences et aggraver la constipation. Dès l’amélioration des symptômes, une reprise graduelle des fibres alimentaires et une bonne hydratation, sous la supervision d’un ou une nutritionniste-diététiste, sont souhaitables afin de ne pas exacerber les symptômes et de prévenir les récidives.
Concernant les probiotiques, bien que les données scientifiques soient limitées, certaines études suggèrent qu’un traitement combinant ciprofloxacine/métronidazole et Lactobacillus reuteri pourrait offrir des bénéfices supplémentaires (réduction de la douleur, des marqueurs inflammatoires et de la durée d’hospitalisation) comparativement aux antibiotiques seuls ou associés à un placebo (16). Toutefois, selon les recommandations actuelles, l’utilisation systématique des probiotiques n’est pas encore justifiée en raison d’évidences rares et inconsistantes (14).
Phase asymptomatique : fibres et probiotiques alimentaires
Les fibres, en particulier celles provenant des fruits, légumes et céréales complètes, favorisent un bon transit intestinal, réduisent la pression colique et contribuent à la diminution de l’inflammation locale et systémique, ce qui est prioritaire durant la phase asymptomatique de la maladie diverticulaire (6, 9). Plusieurs études ont montré qu’un apport élevé en fibres (égal ou supérieur à 25–30 g par jour) est associé à une réduction significative du risque de diverticulite ou d’hospitalisation (6). Pourtant, l’apport quotidien moyen des Canadiens se situe entre 14 et 18 g (19). Chaque augmentation de 5 g de fibres alimentaires par jour serait associée à une diminution de 30 % du risque relatif de diverticulite (10). Ma et collègues (2019) ont observé des effets particulièrement positifs des fibres issues de fruits comme les pommes, les poires et les prunes (11). Ces fruits, riches en fibres solubles, ramollissent les selles et réduisent les risques de constipation. La supplémentation en fibres, notamment avec le psyllium (≈10 g/jour), pourrait améliorer les symptômes de la maladie diverticulaire et diminuer le risque de complications. Toutefois, les données concernant la prévention des récidives de diverticulite restent non concluantes (12, 13). Par ailleurs, contrairement aux croyances antérieures, il n’est plus recommandé d’éviter systématiquement les noix, les graines, le maïs ou les aliments contenant de petites graines (fraises, tomates, etc.), par crainte qu’ils ne se coincent dans les diverticules. Aucune donnée scientifique ne justifie de telles restrictions alimentaires (14, 15).
Des recherches préliminaires suggèrent que certaines souches de probiotiques du genre Lactobacillus pourraient être bénéfiques dans le maintien de la rémission, mais les données sont encore insuffisantes pour recommander un supplément ou un dosage particulier (17, 18). Néanmoins, une alimentation naturellement riche en probiotiques — incluant des aliments fermentés comme le yogourt et le kéfir, pourrait favoriser la santé digestive en améliorant la diversité microbienne, en renforçant la barrière intestinale et en augmentant la production de métabolites anti-inflammatoires (polyphénols, acides gras à chaîne courte) (20). Toutefois, aucune étude à ce jour ne démontre un effet protecteur direct contre la formation de diverticules ou la progression vers la diverticulite.
L’alimentation, en tant que facteur de risque modifiable, joue un rôle essentiel dans la prévention primaire et secondaire de la maladie diverticulaire, en réduisant à la fois l’apparition de diverticules et les récidives de diverticulite. L'expertise des nutritionnistes d'ÉquipeNutrition offre un accompagnement essentiel à vos patients, qu'il s'agisse de prévention, de gestion des risques ou de soutien en phase aiguë, pour éviter l'apparition de symptômes et limiter les récidives. Aidez vos patients à trouver la nutritionniste qui répond à leurs besoins.
Références
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