Comprendre et gérer l'intolérance à l'histamine : une approche nutritionnelle

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Comprendre et gérer l'intolérance à l'histamine : une approche nutritionnelle Understanding and Managing Histamine Intolerance: A Nutritional Approach ÉquipeNutrition Teamnutrition

Publié le 28 mai 2024

 

Environ 1 à 3% de la population est touchée par une intolérance à l'histamine (1). Cette prévalence pourrait être sous-estimée en raison des défis liés à la disponibilité de preuves solides concernant les syndromes d'intolérance alimentaire, ce qui rend l'évaluation et le traitement difficiles. Néanmoins, des avancées prometteuses sont observées dans la littérature quant à l'efficacité de certains traitements nutritionnels pour l’intolérance à l’histamine, ce qui est encourageant.

 

Pathophysiologie 

Cette hypersensibilité alimentaire non allergique est caractérisée par un déséquilibre entre l'augmentation de la disponibilité de l'histamine et la capacité de dégrader ce composé dans le système digestif (2). L'histamine est une amine biologiquement active qui est produite par le corps et stockée majoritairement dans les basophiles, les mastocytes, ainsi que dans les cellules du système digestif, les ganglions lymphatiques et le thymus. Elle est impliquée dans plusieurs fonctions corporelles essentielles, telles que les réponses immunitaires, la digestion et la régulation de la circulation sanguine. Normalement, l’enzyme l'histamine N-méthyltransférase (HNMT) dégrade l’histamine dans plusieurs organes du corps, tandis que l’enzyme principalement située dans l’intestin grêle et le côlon, la diamine oxydase (DAO), dégrade la petite quantité d'histamine provenant de sources externes comme certains aliments (1). 

 

Étiologie et symptômes 

Chez les personnes atteintes d'intolérance à l'histamine, une activité insuffisante des enzymes DAO et HNMT est souvent reliée à des facteurs génétiques (p. ex., une mutation de l’enzyme DAO), des médicaments (p. ex., métoclopramide, amitriptyline, etc.) et l’alcool qui réduit l’efficacité de l’enzyme DAO. De plus, les maladies inflammatoires de l'intestin ainsi que des conditions gastro-intestinales qui perturbent l’intégrité des cellules entérocytaires et la flore intestinale peuvent conduire à une accumulation d'histamine secondaire à un déséquilibre entre les bactéries qui produisent (en faisant la décarboxylation du précurseur d'acide aminé histidine) et dégradent l’histamine (avec l’enzyme DAO) (2). 

 

Les symptômes de l'intolérance à l'histamine varient considérablement et peuvent inclure des troubles digestifs comme les ballonnements et la diarrhée, des maux de tête, de la fatigue, des éruptions cutanées comme de l’eczéma, et des symptômes d'allergie comme la rhinorrhée (2). Ces manifestations générales diffèrent d'une personne à l'autre et peuvent être reliées à d'autres intolérances alimentaires et conditions médicales (p. ex., colon irritable), ce qui rend le diagnostic difficile. En raison du manque de consensus sur une méthode de diagnostic standard, il n'existe pas d’examen unique pour déterminer l'intolérance à l'histamine (3). Avant de poser un diagnostic, l'équipe médicale doit exclure d'autres troubles ou allergies pouvant causer des symptômes similaires. L'intolérance à l'histamine sera confirmée en combinant des tests cutanés pour les réactions allergiques, des analyses sanguines pour mesurer les niveaux de DAO, et un régime pauvre en histamine pour observer l'amélioration des symptômes (2).

 

Thérapie nutritionnelle

Phase d'exclusion

La thérapie nutritionnelle commence généralement par une phase d'exclusion de 2 à 4 semaines. Durant cette phase, les aliments riches en histamine, tels que les aliments et boissons vieillis et fermentés, certains poissons, fruits, légumes et assaisonnements, sont évités (4). Les aliments qui peuvent affecter les fonctions de l’enzyme DAO, responsable de la dégradation des amines biogènes, sont aussi retirés de la diète. Quelques exemples de ceux-ci incluent les agrumes comme le pamplemousse, les boissons alcoolisées, le thé de maté et certains additifs alimentaires (4).

 

Phase de réintroduction

Après avoir exclu certains aliments, ceux-ci sont réintroduits graduellement, un à la fois, pour identifier les déclencheurs spécifiques des symptômes. Cette approche permet de personnaliser le régime alimentaire, facilitant la gestion à long terme de la condition sans compromettre la qualité de vie ou la diversité nutritionnelle du patient-client. Cette étape doit être réalisée en collaboration avec un(e) nutritionniste pour bien identifier les aliments à retirer, trouver des alternatives pour éviter les carences nutritionnelles à long-terme et faciliter la gestion des symptômes.

 

Supplémentation

En plus des ajustements alimentaires, l'ajout d’un supplément de l’enzyme DAO pourrait avoir des effets positifs en favorisant la décomposition de l'histamine ingérée. Certaines études randomisées contrôlées ont rapporté des réductions des symptômes gastro-intestinaux (5), cutanés (5, 6) et de migraines (5, 7) chez les individus ayant reçu des suppléments enzymatiques.

 

Prévenir l’intolérance à l’histamine, est-ce possible ?  

Plus récemment, certaines hypothèses ont soulevé l’association entre l'intolérance à l'histamine et la perméabilité intestinale (4, 7) et/ou la dysbiose intestinale (7, 8). Une hyperperméabilité de l'intestin causée par une inflammation des muqueuses intestinales peut permettre à plus d'histamine et d'autres substances irritantes de traverser la paroi intestinale, déclenchant ainsi des réactions allergiques ou indésirables chez les personnes sensibles. Une dysbiose peut influencer l'équilibre des bactéries dans l'intestin, entraînant une production plus grande d'histamine ou une réduction de sa dégradation. Bien que ces deux facteurs ne soient pas bien établis, certaines recherches suggèrent qu'ils pourraient contribuer indirectement à cette intolérance. Deux études récentes ont observé des changements néfastes au niveau du microbiote de patients présentant des symptômes d'intolérance à l'histamine. Cette dysbiose était caractérisée par une diminution des bactéries associées à la santé intestinale et une augmentation des bactéries sécrétrices d'histamine (8, 9). De plus, une étude clinique pilote, évaluant les changements de la composition du microbiote intestinal chez des participantes diagnostiquées avec une intolérance à l'histamine (n=5) suivant un traitement alimentaire de neuf mois, a observé des améliorations des manifestations gastro-intestinales et des maux de tête chez certaines patientes. Cette amélioration a été constatée en parallèle avec une augmentation de la proportion d'un groupe bactérien souvent associé à la santé intestinale (10). Ces résultats suggèrent que la gestion de la santé de la flore intestinale par l’alimentation et potentiellement un probiotique (11, 12) pourrait jouer un rôle prépondérant dans la réduction du risque de développer une telle intolérance. Une alimentation saine est un facteur majeur influençant la composition bactérienne du microbiote.

 

L'intolérance à l'histamine est une condition complexe qui nécessite une approche personnalisée pour sa gestion. Chez ÉquipeNutrition, nous sommes dédiés à offrir une expertise et un soutien personnalisés pour nos patients-clients, leur permettant de gérer efficacement cette condition et d'améliorer leur santé intestinale à long terme. Pour plus d'informations sur la gestion de l'intolérance à l'histamine et pour prendre rendez-vous avec un de nos spécialistes, visitez notre site web ou contactez-nous directement.

 

Références

  1. Maintz, L., & Novak, N. (2007). Histamine and histamine intolerance. The American journal of clinical nutrition, 85(5), 1185-1196.
  2. Comas-Basté, O., Sánchez-Pérez, S., Veciana-Nogués, M. T., Latorre-Moratalla, M., & Vidal-Carou, M. D. C. (2020). Histamine intolerance: The current state of the art. Biomolecules, 10(8), 1181.
  3. Jochum, C. (2024). Histamine Intolerance: Symptoms, Diagnosis, and Beyond. Nutrients, 16(8), 1219.
  4. Communauté d'intérêts Suisse de l'intolérance à l'histamine (SIGHI) (2023, 1 avril). Introduction. Récupéré le 21 mai 2024, sur https://www.mastzellaktivierung.info/fr/introduction.html
  5. Komericki, P., Klein, G., Reider, N., Hawranek, T., Strimitzer, T., Lang, R., ... & Aberer, W. (2011). Histamine intolerance: lack of reproducibility of single symptoms by oral provocation with histamine: a randomised, double-blind, placebo-controlled cross-over study. Wiener Klinische Wochenschrift, 123.
  6. Yacoub, M. R., Ramirez, G. A., Berti, A., Mercurio, G., Breda, D., Saporiti, N., ... & Colombo, G. (2018). Diamine oxidase supplementation in chronic spontaneous urticaria: A randomized, double-blind placebo-controlled study. International archives of allergy and immunology, 176(3-4), 268-271.
  7. Izquierdo-Casas, J., Comas-Basté, O., Latorre-Moratalla, M. L., Lorente-Gascón, M., Duelo, A., Soler-Singla, L., & Vidal-Carou, M. C. (2019). Diamine oxidase (DAO) supplement reduces headache in episodic migraine patients with DAO deficiency: A randomized double-blind trial. Clinical nutrition, 38(1), 152-158
  8. Schink, M., Konturek, P. C., Tietz, E., Dieterich, W., Pinzer, T. C., Wirtz, S., ... & Zopf, Y. (2018). Microbial patterns in patients with histamine intolerance. J Physiol Pharmacol, 69(4), 579-593.
  9. Sánchez-Pérez, S., Comas-Basté, O., Duelo, A., Veciana-Nogués, M. T., Berlanga, M., Latorre-Moratalla, M. L., & Vidal-Carou, M. C. (2022). Intestinal dysbiosis in patients with histamine intolerance. Nutrients, 14(9), 1774.
  10. Sánchez-Pérez, S., Comas-Basté, O., Duelo, A., Veciana-Nogués, M. T., Berlanga, M., Vidal-Carou, M. C., & Latorre-Moratalla, M. L. (2022). The dietary treatment of histamine intolerance reduces the abundance of some histamine-secreting bacteria of the gut microbiota in histamine intolerant women. A pilot study. Frontiers in Nutrition, 9, 1018463.
  11. Fiorani, M., Del Vecchio, L. E., Dargenio, P., Kaitsas, F., Rozera, T., Porcari, S., … Ianiro, G. (2023). Histamine-producing bacteria and their role in gastrointestinal disorders. Expert Review of Gastroenterology & Hepatology, 17(7), 709–718.
  12. Bischoff, S. C., Barbara, G., Buurman, W., Ockhuizen, T., Schulzke, J. D., Serino, M., Tilg, H., Watson, A., & Wells, J. M. (2014). Intestinal permeability--a new target for disease prevention and therapy. BMC gastroenterology, 14, 189. 
Nutritionniste - Diététiste à Montréal