4 composantes alimentaires ayant un impact sur la douleur chronique

Maladies chroniques
Personne qui se tient le bas du dos à cause de douleurs chroniques
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La douleur chronique touche 8 millions de Canadiens et les coûts directs sont estimés entre 38,3 à 40,4 milliards de dollars canadiens (1). Son coût astronomique et son impact majeur sur la qualité de vie ont mené plusieurs chercheurs à évaluer l’alimentation comme option thérapeutique, compte tenu de son accessibilité et son faible coût.  Une méta-analyse confirme également que la diète joue un rôle dans la gestion de la douleur chronique (2).

Physiopathologie et définition de la douleur chronique

La douleur chronique peut être généralement définie par une douleur durant plus de 3 mois (3). Elle est divisée en 7 grandes catégories: les douleurs primaires (inclus la fibromyalgie et les douleurs lombaires), les douleurs reliées au cancer, les douleurs post-chirurgicales et post-traumatiques, les douleurs neuropathiques, les migraines et les douleurs oro-faciales, les douleurs viscérales et les douleurs musculo-squelettiques (4). La douleur viscérale ne sera pas discutée dans cet article, car le traitement nutritionnel de ce type de pathologie (notamment du côlon irritable) a déjà été discuté partiellement dans un article précédent.

La physiopathologie de la douleur est complexe. Celle-ci résulte d’une activation de récepteurs périphériques et de fibres nerveuses spécifiques. Une douleur chronique peut être provoquée par l’activation continue de ces fibres par une lésion tissulaire prolongée. Ces lésions libèrent plusieurs substances, dont celles impliquées dans la cascade inflammatoire (5). Cet état inflammatoire inclut la migration des cellules immunitaires dans le tissu lésé, la libération de cytokines pro-inflammatoires ainsi que de dérivés réactifs de l'oxygène (6). Cet état peut devenir chronique et est associé avec la douleur chronique (7).  

Certains nutriments associés à la douleur chronique

Oméga-3

Les acides gras oméga-3 et oméga-6 entrent en compétition dans la production de prostaglandines et de thromboxanes, des médiateurs chimiques impliqués dans la cascade inflammatoire (8). Une consommation plus élevée d’oméga-3 entraîne une diminution de la production de métabolites pro-inflammatoires et une augmentation de la production de ceux anti-inflammatoires (8). 

Ainsi, les oméga-6 sont classiquement associés à une composante pro-inflammatoire, tandis que les oméga-3 sont plutôt associés à un état anti-inflammatoire (8). Une étude randomisée contrôlée chez 56 participants, une augmentation de l’apport en oméga-3 couplé avec une diminution de l’apport en oméga-6 pendant 12 semaines a diminué les impacts négatifs reliés aux migraines (mesurée par le questionnaire HIT-6) et le nombre d’heures de migraines par jour, comparativement à une diète faible en oméga-6 seulement (9). Des résultats similaires ont été observés dans une étude randomisée contrôlée  de 51 participants supplémentés pendant 8 semaines de 400 mg d’acide eicosapentaénoïque (EPA) et de 350 mg d’acide docosahexaénoïque (DHA) comparativement à un groupe placébo (10). Selon une méta-analyse publiée en 2017, un supplément d’huile d’origine marine (représentant 130 à 4050 mg d’EPA et 10 à 2700 mg de DHA par jour) a un impact modeste, mais positif sur les douleurs arthritiques (11). Une amélioration modeste de la douleur  est également observée lors de l’administration d'oméga-3 (1530 mg de EPA et 1040 mg de DHA par jour pendant 8 semaines)  pour le traitement de capsulite à l’épaule (12). 

En résumé, les oméga-3 semblent avoir un impact positif sur les signes et symptômes de plusieurs pathologies entraînant des douleurs chroniques. 

Polyphénols et flavonoïdes

Les polyphénols sont reconnus pour leur capacité à agir comme substance anti-inflammatoire et moduler l’inflammation (13). Une supplémentation de polyphénols (plus précisément d’acide caféique et l’acide paracoumarique) a un effet anti-inflammatoire et induit un effet analgésique chez la souris (13). Chez l’humain, l’ajout de 50g de fraises quotidiennement (qui incluent plusieurs polyphénols, tels que la catéchine, l’épicatéchine, la quercétine, etc.) améliore la douleur au genou causé par l’ostéoarthrite  et diminue la production de cytokines pro-inflammatoires (IL-6, IL-1b et MMP-3) (14). De manière similaire, l’ajout de 40g de poudre de bleuets séchés par jour chez 63 adultes pendant 4 mois a permis une amélioration significative dans le score WOMAC, ce qui n’a pas été observé dans le groupe placébo (15). Par contre, aucune différence sur les marqueurs inflammatoires n’a été observée (15). Des revues de la littérature ont été réalisées sur l’impact de la consommation de polyphénols sur la neuropathie diabétique (16) et l’arthrite rhumatoïde (17), démontrant l’avenue prometteuse des polyphénols dans le traitement de ces pathologies.

Certaines études démontrent également que la curcumine, soit le pigment polyphénolique du curcuma, a également des effets antinociceptifs et anti-inflammatoires (18). Une méta-analyse observe qu’un extrait d’environ 1000 mg de curcumine chez les patients souffrants d'arthrite permet une diminution significative du score WOMAC et de l’échelle visuelle analogique (EVA) (19). De plus, aucune différence significative n'a été détectée avec un traitement pharmacologique traditionnel pour la douleur (19). Cependant, ces résultats sont à interpréter avec prudence, compte tenu des petits échantillons, de la qualité méthodologique et du nombre limité d'études (19).

Les polyphénols et flavonoïdes semblent donc des composantes alimentaires importantes dans la gestion de la douleur chronique, et ce, pour plusieurs pathologies.

L’indice glycémique

Les aliments à indice glycémique élevé entraînent une augmentation du stress oxydatif via NF-kB, une protéine importante dans l’activation du processus inflammatoire (20). Deux études randomisées contrôlées rapportent une diminution de la CRP en présence d’une diète à indice glycémique faible comparativement à une diète avec indice glycémique élevé (21) ou une diète faible en glucides et en lipides (22). 

Bien que des études supplémentaires soient clairement nécessaires, l’indice glycémique semble être une avenue prometteuse dans la gestion de l’inflammation et donc de la douleur.  

Aliment clé: le gingembre

Plusieurs études in vitro et in vivo ont permis de décrire les propriétés anti-inflammatoires, antioxydantes et analgésiques du gingérol, la molécule active du gingembre (23).  Une revue systématique conclut que le gingembre peut réduire la douleur dans plusieurs pathologies, dont l’ostéoarthrite (24). Par contre, des études supplémentaires sont nécessaires pour recommander officiellement le gingembre dans le traitement de la douleur compte tenu du nombre et la qualité limitée des études (24). Plus récemment, une étude rapporte qu’un extrait de gingembre, curcuma et poivre noir entraîne une diminution similaire du taux circulant de la prostaglandine pro-inflammatoire PGE2 que le naproxène chez les patients souffrant d’ostéoarthrite (25).

Des limites

De nombreuses limites doivent être rapportées à ces résultats. Bien que quelques études randomisées et contrôlées soient disponibles, plusieurs de ces résultats découlent d’études in vitro ou chez le rongeur. Chez les études chez l’humain, la taille de l’échantillon et la qualité de l’étude (par exemple, absence de groupe contrôle) limitent l'interprétation des résultats.  De plus, l’inclusion d’un nombre varié de pathologies potentielles pouvant créer de la douleur chronique dans ces études peut  complexifier les résultats, puisque certaines pathologies peuvent demander des traitements qui lui sont propres (par exemple le syndrome du côlon irritable). Finalement, la notion même de douleurs, étant une expérience individuelle, physique ,émotive et psychologique, rend difficile la mesure objective de cette variable.

Malgré ces limites, l’alimentation semble une avenue très prometteuse dans le traitement des douleurs chroniques. Une nutritionniste ÉquipeNutrition sera en mesure d’exposer à vos clients les différentes options de traitement nutritionnel et d’adapter ces recommandations à l’alimentation et au style de vie de vos clients. Contactez-nous pour en apprendre plus sur notre offre de service. 

Références

  1. Gouvernement du Canada. (2021). Douleurs Chroniques. Disponible:  https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/maladies/douleur-chronique.html.  Consulté le 27 juin 2022.

  2. Brain, K., Burrows, T.L., Rollo, M.E., et al. (2019). A systematic review and meta-analysis of nutrition interventions for chronic noncancer pain. J Hum Nutr Diet;32(2):198-225.

  3. IASP. (2019) Definitions of Chronic Pain Syndromes. Disponible: https://www.iasp-pain.org/advocacy/definitions-of-chronic-pain-syndromes/.  Consulté le 27 juin 2022.

  4. Treede, R-D., Rief, W., Barke, A. et al. (2019). Chronic pain as a symptom or a disease: the IASP Classification of Chronic Pain for the International Classification of Diseases (ICD-11). Pain;160(1):19-27. 

  5. Le manuel MSD. (2022). Revue générale de la douleur. Disponible:  https://www.msdmanuals.com/fr/professional/troubles-neurologiques/douleur/revue-g%C3%A9n%C3%A9rale-de-la-douleur Consulté le 7 juillet 2022.

  6. Mittal, M., Siddiqui, M.R., Tran, K., Reddy, S.P. et Malik, A.B. (2014) Reactive oxygen species in inflammation and tissue injury. Antioxid Redox Signal;20(7):1126-1167.

  7. Sam Zhou, W.B., Meng, J., et Zhang, J. (2021) Does Low Grade Systemic Inflammation Have a Role in Chronic Pain? Front Mol Neurosci;14:785214.

  8.  Simopoulos, A. (2002). Omega-3 fatty acids in inflammation and autoimmune diseases. J Am Coll Nutr;21(6):495-505.

  9. Ramsden, C.E.; Faurot, K.R.; Zamora, D.; et al. (2013) Targeted alteration of dietary n-3 and n-6 fatty acids for the treatment of chronic headaches: A randomized trial. Pain. 154(11):2441-2451.

  10. Soares, A.A.; Loucana, P.M.C.; Nasi, E.P.; Sousa, K.M.H.; Sa, O.M.S. et Silva-Neto, R.P. (2018) A double- blind, randomized, and placebo-controlled clinical trial with omega-3 polyunsaturated fatty acids (OPFA-3) for the prevention of migraine in chronic migraine patients using amitriptyline. Nutr. Neurosci; 21(3), 219–223. 

  11. Senftleber, N.K., Nielsen, S.M., Andersen, J.R. et al. (2017) Marine oil supplements for arthritis pain: a systematic review and meta-analysis of randomized trials. Nutrients;9(1):42. 

  12. Sandford, F.M., Sanders, T.A., Wilson, H. et Lewis, J.S. (2018) A randomised controlled trial of long-chain omega-3 polyunsaturated fatty acids in the management of rotator cuff related shoulder pain. BMJ Open Sport Exerc Med; 4(1): e000414.

  13. Bjoklund, G., Aaseth, J., Dosa M.D., Pivina, L., Dadar, M., Pen, J.J. et Chirumbolo, S. (2019). Does diet play a role in reducing nociception related to inflammation and chronic pain?Nutrition;66:153-165.

  14. Schell, J., Scofield, R.H.., Barret, J.R. et al. (2017). Strawberries Improve Pain and Inflammation in Obese Adults with Radiographic Evidence of Knee Osteoarthritis. Nutrients;9(9):949

  15. Du, C., Smith, A., Avalos, M. et al. (2019). .Blueberries Improve Pain, Gait Performance, and Inflammation in Individuals with Symptomatic Knee Osteoarthritis. Nutrients;11(2):290.

  16. Naseri, R., Farzaei, F., Fakhri, S. et al. (2019). Polyphenols for diabetes associated neuropathy: Pharmacological targets and clinical perspective. Daru;27(2):781–798.

  17. Rosillo, M.A,; Alarcón-de-la-Lastra, C. et Sánchez-Hidalgo, M. (2016). An update on dietary phenolic compounds in the prevention and management of rheumatoid arthritis. Food Funct;7(7): 2943–2969.

  18. Hewlings, S.J. et Kalman D.S. (2017). Curcumin: A Review of Its Effects on Human Health. Foods;6(10):92.

  19. Daily, J.W., Yang, M. et Park, S. (2016). Efficacy of Turmeric Extracts and Curcumin for Alleviating the Symptoms of Joint Arthritis: A Systematic Review and Meta-Analysis of Randomized Clinical Trials. J Med Food;19(8):717-729.

  20. Dickinson, S., Hancock, D.P., Petocz, P., Ceriello, A. et Brand-Miller, J.(2008). High-glycaemic index carbohydrate increases nuclear factor-κB activation in mononuclear cells of young, lean healthy subjects. Am J Clin Nutr;87(5):1188–1193.

  21. Gögebakan, O., Kohl, A., Osterhoff, MA. et al. (2011) Effects of weight loss and long-term weight maintenance with diets varying in protein and glycaemic index on cardiovascular risk factors: the Diet, Obesity, and Genes (DiOGenes) study: a randomized, controlled trial. Circulation;124(25):2829-2838.

  22. Ebbeling, C.B., Swain, J.F., Feldman, H.A., Wong, W.W., Hachey, D.L., Gracia-Lago, E. et Ludwig D.S. (2012) Effects of dietary composition on energy expenditure during weight-loss maintenance.JAMA;307(24):2627-2634.

  23. Semwal, R.B., Semwal, D.K., Combrinck, S. et Viljoen, A.M. (2015). Gingerols and shogaols: Important nutraceutical principles from ginger. Phytochemistry;117:554-568.

  24. Terry, R., Posadzki, P., Watson, L.K. et Ernst, E. The use of ginger (Zingiber officinale) for the treatment of pain: a systematic review of clinical trials. Pain Med;12(12):1808-1818.

  25. Heidari-Beni, M., Moravejolahkami, A.R., Gorgian, P., Askari, G., Tarrahi, M.J., et Bahreini-Esfahani, N. (2020). Herbal formulation "turmeric extract, black pepper, and ginger" versus Naproxen for chronic knee osteoarthritis: A randomized, double-blind, controlled clinical trial. Phytother Res;34(8):2067-2073.

Nutritionniste - Diététiste