Impact de l'alimentation sur la stéatose hépatique non alcoolique

Saine alimentation
Illustration d'un foie entouré de 2 mains
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Physiopathologie de la stéatose hépatique non alcoolique (SHNA)

Les connaissances actuelles ont permis de développer l’hypothèse à multiples frappes dans le développement de la SHNA (1). La première frappe serait la résistance à l’insuline, qui augmente la quantité d’acides gras libres en circulation et les dépôts de lipides dans les hépatocytes (1). Ceci entraînerait une augmentation de la peroxydation des lipides, une augmentation de l’apoptose des hépatocytes et une augmentation de l’activité des cytokines (1). La production d’adipokines pro-inflammatoires, une augmentation du stress oxydatif et un dysfonctionnement mitochondrial contribueraient à la progression de la maladie (1). Le microbiote intestinal, maintenant connu  pour son rôle dans le développement de l’obésité et des maladies chroniques, peut également jouer un rôle dans le développement de la SHNA, notamment à cause de la translocation bactérienne  et de la production du lipopolysaccharide (LPS). Ces phénomènes engendreraient une augmentation de la signalisation pro-inflammatoire, une résistance à l’insuline, une augmentation du stress oxydatif hépatique, une hépatotoxicité et une fibrose (1). Le tissu adipeux viscéral peut également jouer un rôle, par sa fonction endocrine.  Une trop grande accumulation peut ainsi augmenter la résistance à l’insuline et la production de cytokines pro-inflammatoires (1). Finalement, une augmentation de la lipogenèse hépatique, suite à une consommation excessive de glucose, entraînerait une augmentation de la production d’acides gras libres ainsi qu’une hyperinsulinémie et une augmentation du substrat pour la lipogenèse de novo, une diminution de la synthèse de glycogène, une augmentation de la prise hépatique d’acides gras libres, une inhibition de la B-oxydation et finalement une altération du  transport des triglycérides (1).

Traitement: la perte de poids comme première intervention

La première recommandation émise par le Canadian NASH Network (CanNASH) (2) et par la plupart des autres regroupements (3) dans le traitement de la stéatose hépatique est une perte de poids de 5 à 7% ou de 10% pour réduire la fibrose (4). Une perte de poids maximale de 1,5 kg/semaine (5) a déjà été recommandée, car une perte de poids plus grande a été associée à une augmentation de l’inflammation et de la fibrose périportale (5). L’augmentation du flux d’acides gras libres vers le foie et la diminution de l’apport en antioxydants ont été suggérés comme étant des  causes menant à ces problématiques (6). Cependant, certaines techniques de perte de poids rapides, telles que la chirurgie bariatrique, améliorent significativement la SHNA (7). La prudence est donc de mise dans le cas de stéatohépatite alcoolique ou de cirrhose (7).

Type de diète: diète méditerranéenne toujours la gagnante

CanNASH (2) et plusieurs des autres regroupements (3) suggèrent la diète méditerranéenne comme traitement à la SHNA, car elle est la plus documentée (8-9). Certaines associations européennes vont également suggérer une diète faible en glucides/cétogène, particulièrement à cause de l’impact de ce type de diète sur la résistance à l’insuline, comme discuté précédemment (3). Une diminution supérieure de la concentration de lipides intrahépatiques a été observée avec une diète faible en glucides comparativement à une diète faible en lipides après 48h, mais cette différence s’estompe après 3 mois (10). De manière contradictoire, une diminution plus grande de l’aspartate aminotransférase (AST) a été observée dans un traitement de 16 semaines chez une population sous une diète faible en glucides comparativement à une diète faible en lipides pour une perte de poids significativement non différente (10) Certains auteurs ont suggéré que le bénéfice associé aux diètes faibles en glucides sur la SHNA s’observe à court terme (12) Une méta-analyse n’observe pas de différence sur l’impact des enzymes hépatiques circulantes entre les diètes faible et haute en glucides bien que peu d’études sont incluses dans celle-ci (13). Les impacts d’une diète faible en glucides sur la SHNA est donc toujours sujet à débat. Certains chercheurs se sont également intéressés à la diète cétogène pour le traitement de la SHNA. L’absence d’un groupe comparatif ainsi que la petite taille d’échantillons ne permettent pas de différencier si l’impact de la diète cétogène sur la SHNA provient de la perte de poids ou de la diète en elle-même (14). Une potentielle dégradation de la SHNA est également à prendre en considération avec une diète riche en gras, causée par une augmentation du flux d’acides gras vers le foie, ce qui augmente la peroxydation des lipides et la nécrose des hépatocytes (6). Un intérêt scientifique s’est également manifesté concernant le jeûne intermittent, notamment car la prise alimentaire plus importante le matin, la prise de repas de manière régulière et la diminution du grignotage le soir est associée à un meilleur profil hépatique (12). Cependant, des études supplémentaires sont nécessaires pour comprendre l’impact du jeûne sur la SHNA (12,14). En somme, la diète méditerranéenne reste la diète de choix pour la SHNA avec les données actuellement disponibles.

Oméga-3: un allié dans le traitement de la SHNA

Selon CanNASH, une réduction des enzymes hépatiques et de la SHNA est rapportée avec une consommation d'oméga-3, mais les données sont insuffisantes pour recommander un supplément (2). Selon une étude, un supplément de 2 g d'oméga-3 par jour pendant 6 mois a permis une diminution de la SHNA, de la concentration d’ALT plasmatique, du facteur de nécrose tumorale (TNF)-alpha et de la résistance à l’insuline (15). Des résultats similaires sont rapportés avec une supplémentation de 1g d’oméga-3 pendant 12 mois chez 42 participants (16). Ces résultats sont confirmés par une revue systématique, rapportant que la supplémentation d'oméga-3 permet de réduire la concentration d’acide gras hépatique (17). Par contre, selon cette revue, l’hétérogénéité des études ne permet pas d’établir une dose optimale d’oméga-3 dans le traitement de la SHNA.

Le rôle des prébiotiques et des probiotiques dans la SHNA

Les prébiotiques et les probiotiques peuvent améliorer les enzymes hépatiques, mais les données disponibles sont limitées selon le CanNASH (2). Une petite étude pilote de 7 personnes souffrant de SHNA supplémentées avec 16g d’oligofructose par jour a rapporté une diminution du taux circulant d’AST après 8 semaines (18). Une autre étude a rapporté une diminution des lipides intrahépatiques mesurés par spectroscopie et de l’AST plasmatique chez les patients traités par probiotique (une variété de Lactobacillus et Bifidobacterium bifidum) pendant 6 mois, et ce, sans impact notable sur le poids et le tour de taille (19). Dans une autre étude randomisée contrôlée, l’ajout de 300 g de yogourt supplémentés en Lactobacillus acidophilus et Bifidobacterium lactis pendant 8 semaines a permis une diminution de l’AST et AST plasmatiques, toujours chez des patients souffrant de SHNA (20). Bien qu’intéressant, l’intégration de ces résultats en nutrition clinique est difficile, compte tenu de l’hétérogénéité et des petits échantillons des études (1).

Le café: une boisson de choix pour la  SHNA

La consommation de 3 à 4 tasses de café par jour est recommandée par CanNASH (2). Une consommation de 1 à 4 tasses de café (caféiné ou décaféiné) par jour est également recommandée comme supplément secondaire au traitement de la SHNA selon une revue de la littérature exécutée par Examine (21). Selon deux méta-analyses, la consommation de café est associée à une diminution de 29% du risque de SHNA, une diminution de 27 à 30% de fibrose hépatique et une diminution de 39% du risque de cirrhose. (22-23). Cet effet peut être expliqué par une réduction de l’accumulation de lipides intrahépatiques, une augmentation de la B-oxydation des lipides, une diminution de l’inflammation et du stress oxydatif ainsi qu’une augmentation de l’expression de protéines antioxydantes comme le glutathion (3).


Le rôle du fructose

Une consommation élevée de fructose provenant du sirop de maïs à haute teneur en fructose et des boissons gazeuses altère le microbiote intestinal et augmente la lipogenèse de novo et donc le risque de fibrose avancée et de SHNA (2). Cependant, selon une méta-analyse, la relation entre la SHNA et le fructose pourrait être confondue avec l’impact d’un apport énergétique excessif et que les preuves sont présentement insuffisantes pour conclure sur l’effet du fructose sur le SHNA (24). Cependant, plusieurs mécanismes pourraient expliquer l’altération de la SHNA lors d’une consommation excessive de fructose, notamment à cause de son passage directement au foie suite à son absorption, sa métabolisation au foie créant un substrat disponible pour la lipogenèse de novo ainsi qu’une augmentation de la synthèse d’acides gras libres et de la résistance à l’insuline avec une augmentation de l’expression de Srebp1c et Chrebp-β (3). Cependant, considérant qu’une consommation élevée de fructose est associée à un gain de poids et un apport énergétique excessif (25), il semble tout à fait adéquat de maintenir la recommandation de réduire la consommation d’aliments à densité énergétique élevée riches en fructose, tels que les boissons gazeuses et les aliments transformés sucrés. 

En somme, des études supplémentaires sont nécessaires pour déterminer le meilleur traitement nutritionnel pour la SHNA. Dans tous les cas, une alimentation personnalisée est nécessaire pour un maintien optimal des changements d’habitudes alimentaires (2,7), ce qu’une nutritionniste d’ÉquipeNutrition peut vous fournir. N'hésitez pas à nous contacter pour en savoir davantage sur nos services!

Références:

  1. Eslamparast, T., Tendon, P et Raman, M. (2017). Dietary Composition Independent of Weight Loss in the Management of Non-Alcoholic Fatty Liver Disease. Nutrients, 9(8), 800. https://doi.org/10.3390/nu9080800  
  2. Sebastiani, G., Patel, K., Ratzium, V., Feld, J.J., Neuschwander-Tetri, B.A., Pinzani, M., Petta, S., Berzigotti, A., Metrakos, P., Shoukry, N., Brunt, E.M., Tang, A., Cobbold, J.F., Ekoe, J-M., Seto, K., Ghali, P., Chevalier, S., Anstee, Q.M., Watson, H., (...) et Ramji, A. (2022) Current considerations for clinical management and care of non-alcoholic fatty liver disease: Insights from the 1st International Workshop of the Canadian NASH Network (CanNASH). Can Liver J, 5(1), 61-90. https://doi.org/10.3138/canlivj-2021-0030
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  4. Vilar-Gomez, E., Martinez-Perez, Y., Calzadilla-Bertot, L., Torres-Gonzalez, A.,  Gra-Oramas, B. Gonzalez-Fabian, L. ,Friedman, S.L., Diago, M. et Romero-Gomez, M. (2015).  Weight loss through lifestyle modification significantly reduces features of nonalcoholic steatohepatitis. Gastroenterology, 149(2), 367e378.e5. https://doi.org/10.1053/j.gastro.2015.04.005
  5. Andersen, T., Gluud, C., Franzmann, M.B. et Christoffersen P. (1991). Hepatic effects of dietary weight loss in morbidly obese subjects. J Hepatol.12:224-9. https://doi.org/10.1016/0168-8278(91)90942-5
  6. Quilliot, D.,  Böhme, P. et Ziegler, O. (2011). La stéato-hépatite non alcoolique. Influence de la nutrition, de la physiopathologie au traitement. Post'U FMC-HGE. Philippe Lévy.
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Nutritionniste - Diététiste