La goutte : les avancées selon la littérature

Maladies chroniques
La goutte : les avancées selon la littérature

Publié le 29 mars 2024

Physiopathologie de la goutte

La goutte, une forme d'arthrite inflammatoire méconnue malgré sa prévalence et son impact significatif sur la qualité de vie des personnes qui en souffrent, touche chaque année environ 681 000 adultes au Canada (1). Elle est caractérisée par des douleurs et un gonflement dans les articulations principalement localisées dans le gros orteil, mais elle peut également affecter d'autres articulations telles que les genoux, les chevilles, les mains et les coudes (2). 

 

Étiologie, symptômes et facteurs de risque 

La goutte apparaît lorsque le corps produit un excès d'acide urique ou rencontre des difficultés pour l'éliminer efficacement. Cet acide urique résulte de la décomposition de certaines molécules, notamment les purines (3). Normalement, les reins filtrent cet acide du sang et l’excrètent dans l'urine. Cependant, le corps peut parfois produire un excès d'acide urique ou les reins ne parviennent pas à l’évacuer assez rapidement, provoquant une hyperuricémie. Cette condition peut conduire à l’accumulation de cristaux d’acide urique dans les articulations, engendrant les symptômes caractéristiques de la goutte (2). Le surpoids, l'obésité, l'insuffisance cardiaque congestive, le diabète, l'hypertension, les maladies rénales, ainsi que la consommation excessive d'alcool et de protéines animales sont tous des facteurs de risque qui augmentent les probabilités de subir des crises de goutte (2). Cependant, les prédispositions génétiques jouent un rôle déterminant dans le développement et la sévérité de l'hyperuricémie et de la goutte, comme l'a révélé une méta-analyse en 2018 (4). Bien que les professionnels de la santé devraient sensibiliser leurs patients-clients à adopter des habitudes alimentaires pour réduire leurs risques de récidive et leurs symptômes, il est important de reconnaître l’impact génétique sur le développement de cette maladie afin d’éviter la stigmatisation. 

 

La thérapie nutritionnelle 

La diète pauvre en purines

La diète pauvre en purines est une approche nutritionnelle recommandée pour la gestion des symptômes de la goutte, conformément aux lignes directrices publiées en 2020 par l'American College of Rheumatology (5). Les aliments riches en purines, tels que la viande, la volaille, le poisson et les fruits de mer, devraient être limités. À l'inverse, le lait, le yogourt, le fromage et les œufs, qui sont des sources de protéines animales faibles en purines, sont conseillés dans une alimentation faible en purines. Les preuves ne montrent aucune association entre la goutte et la consommation de produits laitiers. Cependant, il n'existe pas de recommandation spécifique sur ce sujet puisque ces preuves proviennent principalement d'études observationnelles de faible qualité (5, 6). Par ailleurs, certains aliments d'origine végétale, tels que le chou-fleur et les épinards, sont riches en purines. Cependant, ils ont une association négative avec les niveaux d'acide urique dans le corps et l'apparition des symptômes de la goutte (7). Une hypothèse est que les purines présentes dans les végétaux ont une biodisponibilité nettement inférieure à celles trouvées dans les produits d'origine animale. Pour cette raison, il est conseillé de privilégier les légumes, les légumineuses, les grains entiers et les produits à base de soja dans une alimentation faible en purines. 

 

L’alcool et le fructose

L'alcool peut également contribuer à une augmentation du niveau d'acide urique dans le sang en diminuant son excrétion et en favorisant sa production, notamment en accélérant la dégradation de l'adénosine triphosphate (ATP). Une revue systématique et une méta-analyse d'études observationnelles réalisées par Li et collègues en 2018 ont révélé une association entre une consommation élevée d'alcool et un risque accru d'hyperuricémie et de crises de goutte, comparativement à une absence de consommation d'alcool (8). De plus, une relation dose-réponse a été observée entre la consommation d'alcool et l'incidence des crises de goutte (8, 9).

 

Une consommation excessive de fructose peut également augmenter les niveaux d'acide urique en provoquant une surcharge aiguë dans le foie. Cela favorise l'hyperuricémie en augmentant les niveaux d'adénosine monophosphate (AMP), qui sont ensuite dégradés en acide urique (7). Une revue parapluie publiée en 2023, regroupant plusieurs méta-analyses et revues systématiques, confirme une association positive entre la consommation de sucre, notamment de boissons sucrées, et une augmentation des risques de développer la goutte, bien que la qualité des preuves varie (10). Cependant, ces résultats ne s'appliquent pas au fructose présent en quantités beaucoup plus modestes dans les fruits entiers (à l’exclusion du jus de fruits). Une étude menée aux États-Unis sur 28 990 participants a démontré que ceux consommant en moyenne plus de deux portions de fruits par jour présentaient un risque de goutte réduit de 50% par rapport à ceux qui en consommaient moins d'une demi-portion par jour (11).

 

Aliments avec peu ou pas d’évidence

Contrairement à certaines croyances populaires, l'ajout de suppléments de vitamine C n'est pas recommandé pour les patients atteints de goutte (5, 6). Deux essais randomisés contrôlés n’ont démontré aucun effet cliniquement significatif sur le taux d'urate sérique après une supplémentation en vitamine C (12, 13). En ce qui concerne les cerises, les extraits de cerise et les jus de cerise, certaines hypothèses suggèrent que les propriétés anti-inflammatoires des anthocyanines dans ce fruit pourraient réduire les crises de goutte. Cependant, les résultats des essais cliniques sont incohérents. Par exemple, une étude a observé une réduction significative des crises de goutte chez les adultes en surpoids ou obèses qui consommaient du jus de cerise (14), tandis qu'une autre étude n'a trouvé aucun effet du concentré de jus de cerise sur la concentration d'acide urique dans le sang ni sur les crises de goutte à court terme (15). Actuellement, les lignes directrices pour le traitement de la goutte ne fournissent aucune recommandation concernant la consommation de cerises (5, 6).

Et puis, quels sont les risques ?

Un régime alimentaire faible en purines peut comporter des risques, notamment en limitant les sources de nutriments essentiels tels que les oméga-3 et en diminuant la diversité des sources de protéines en raison de nombreuses restrictions. Bien que ce régime puisse contribuer à réduire les niveaux d'acide urique et le développement des symptômes, il est rarement suffisant en tant que traitement unique. La thérapie nutritionnelle doit être combinée à d'autres approches thérapeutiques pour assurer une gestion complète et efficace de cette condition inflammatoire. 

 

Étant donné que ce régime comporte certains risques à long terme, une approche multidisciplinaire incluant une nutritionniste d’ÉquipeNutrition est cruciale pour accompagner vos patients-clients dans leurs changements alimentaires tout en prévenant les risques de carences nutritionnelles. Notre plateforme KoalaPro peut également être un support précieux pour vos patients-clients, en offrant une multitude de recettes riches en protéines végétales, idéales pour une alimentation pauvre en purines, ainsi que des recettes de délicieux mocktails pour faciliter la diminution de la consommation d’alcool. N'hésitez pas à nous contacter pour découvrir nos services et en savoir plus sur ce service. 

 

Références 

  1. Government of Canada. (2020). Goutte et arthropathies cristallines. Santé Canada. Retrieved from https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/publications/maladies-et-affections/goutte-arthropathies-cristallines.html
  2. Cleveland Clinic. (2023). Gout. Retrieved from https://my.clevelandclinic.org/health/diseases/4755-gout
  3. Gaffo, A. J. (2023). Clinical manifestations and diagnosis of gout. UpToDate. Retrieved from www.uptodate.com
  4. Major, T. J., Topless, R. K., Dalbeth, N., & Merriman, T. R. (2018). Evaluation of the diet wide contribution to serum urate levels: meta-analysis of population based cohorts. BMJ (Clinical research ed.), 363, k3951. 
  5. FitzGerald, J. D., Dalbeth, N., Mikuls, T., Brignardello-Petersen, R., Guyatt, G., Abeles, A. M., Gelber, A. C., Harrold, L. R., Khanna, D., King, C., Levy, G., Libbey, C., Mount, D., Pillinger, M. H., Rosenthal, A., Singh, J. A., Sims, J. E., Smith, B. J., Wenger, N. S., Bae, S. S., … Neogi, T. (2020). 2020 American College of Rheumatology Guideline for the Management of Gout. Arthritis care & research, 72(6), 744–760. 
  6. Neilson, J., Bonnon, A., Dickson, A., Roddy, E., & Guideline Committee (2022). Gout: diagnosis and management-summary of NICE guidance. BMJ (Clinical research ed.), 378, o1754. 
  7. Dietitians of Canada. (2023). Gout Knowledge Pathway. PEN. Retrieved from https://www.pennutrition.com/index.aspx
  8. Li, R., Yu, K., & Li, C. (2018). Dietary factors and risk of gout and hyperuricemia: a meta-analysis and systematic review. Asia Pacific journal of clinical nutrition, 27(6),
  9. Neogi, T., Chen, C., Niu, J., Chaisson, C., Hunter, D. J., & Zhang, Y. (2014). Alcohol quantity and type on risk of recurrent gout attacks: an internet-based case-crossover study. The American journal of medicine, 127(4), 311–318. 
  10. Huang, Y., Chen, Z., Chen, B., Li, J., Yuan, X., Li, J., Wang, W., Dai, T., Chen, H., Wang, Y., Wang, R., Wang, P., Guo, J., Dong, Q., Liu, C., Wei, Q., Cao, D., & Liu, L. (2023). Dietary sugar consumption and health: umbrella review. BMJ (Clinical research ed.), 381, e071609. 
  11. Williams P. T. (2008). Effects of diet, physical activity and performance, and body weight on incident gout in ostensibly healthy, vigorously active men. The American journal of clinical nutrition, 87(5), 1480–1487.
  12. Holland, R., & McGill, N. W. (2015). Comprehensive dietary education in treated gout patients does not further improve serum urate. Internal medicine journal, 45(2), 189–194. 
  13. Stamp, L. K., O'Donnell, J. L., Frampton, C., Drake, J. M., Zhang, M., & Chapman, P. T. (2013). Clinically insignificant effect of supplemental vitamin C on serum urate in patients with gout: a pilot randomized controlled trial. Arthritis and rheumatism, 65(6), 1636–1642.
  14. Martin, K. R., & Coles, K. M. (2019). Consumption of 100% tart cherry juice reduces serum urate in overweight and obese adults. Current Developments in Nutrition, 3(5), nzz011.
  15. Stamp, L. K., Chapman, P., Frampton, C., Duffull, S. B., Drake, J., Zhang, Y., & Neogi, T. (2020). Lack of effect of tart cherry concentrate dose on serum urate in people with gout. Rheumatology (Oxford, England), 59(9), 2374–2380. 
Nutritionniste - Diététiste à Montréal