La diversification alimentaire menée par l’enfant (DME)

Enfants et famille
bébé souriant sur la chaise haute
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La diversification alimentaire menée par l’enfant (DME), une méthode d’introduction des solides où les aliments sont offerts en morceaux, gagne en popularité depuis quelques années. Vos patients pourraient vous questionner par rapport aux risques et bénéfices associés à cette nouvelle approche. Voyons voir ce que dit la littérature scientifique à ce sujet.

Considérations

Si le nourrisson s'assoit droit sans aide, qu’il est capable de porter des aliments/objets à sa bouche et de tourner sa tête de droite à gauche, il semble satisfaire tous les critères pour débuter la DME (3, 4). À 6 mois, bébé a aussi atteint un stade de développement oral moteur lui permettant de bien gérer le changement de texture de liquide à semi-solide ou solide (3). Toutefois, si bébé a un retard, un trouble au niveau du développement ou bien s’il est né prématuré, il est préférable de consulter avant de commencer l’introduction des solides. (4, 5, 6). Certaines adaptations peuvent être faites pour que bébé puisse tout de même s’initier à la DME (7).

Craintes fréquentes

Les questionnements fréquents concernent les risques d’étouffement, d’apports insuffisants en fer et en zinc et de retard de croissance chez les nourrissons. Une version améliorée de la DME (Baby-Led Introduction to SolidS; BLISS) a été proposée pour réduire ces inquiétudes. Le protocole proposé fournit un support additionnel aux nouveaux parents à différents niveaux (8).

1. Carences

Avec l’approche BLISS, on suggère d’inclure à chaque repas un aliment riche en fer, un aliment à haute densité énergétique en plus d’un fruit ou d’un légume (8). Aucune différence significative n’a été notée au niveau de l’apport et du statut en fer et en zinc entre les enfants nourris avec les purées et ceux introduits à l’approche BLISS/DME (9, 10, 11). D’ailleurs, l’anémie pourrait aussi bien se développer chez un enfant nourri de manière traditionnelle avec les purées si celles-ci sont majoritairement faites à base d’aliments à faible teneur en fer.

 

2. Étouffement

Des conseils sont aussi émis au niveau de la texture et du type d’aliments offerts pour limiter les risques d’étouffement dans l’approche BLISS (8). Selon la revue systématique de Bergamini et al. (2022), les épisodes d’étouffements rapportés par les parents suivant l’approche DME/BLISS ne sont pas plus fréquents que chez les enfants nourris aux purées (12). Par ailleurs, la fréquence d’exposition aux aliments en morceaux et aux purées grumeleuses semble inversement associée au nombre d’épisodes d’étouffement rapportés avec ces textures. De plus, les événements rapportés par tous concernent particulièrement certains types d’aliments (glissants, fermes, collants et avec pelure) et non la texture de ceux-ci (purée ou solide) (13). Également, il est important de distinguer étouffement et réflexe nauséeux. Ce dernier constitue un mécanisme de protection des voies respiratoires qui est assez fréquent chez les bébés initiés à la DME durant les premiers mois d’alimentation (7). Les incidents rapportés par les parents ont donc parfois pu être confondus avec le réflexe nauséeux. Finalement, il semble primordial que tous parents, peu importe l’approche choisie, soient bien informés des précautions à prendre concernant la nature et le format des aliments offerts pour minimiser les risques d’étouffement.

3. Croissance adéquate

Selon la revue systématique de Bergamini et al. (2022), il n’est pas possible de conclure que la DME/BLISS influencerait la croissance des nourrissons et jeunes enfants. En fait, plusieurs études rapportent que la majorité des enfants suivant l’approche DME ou BLISS avait un poids normal à 12, 20, 24 et 78 mois respectivement. Cependant, vu la disparité au niveau des protocoles, de l’âge des sujets et des techniques utilisées pour la prise de mesures anthropométriques, l’interprétation des résultats est limitée (12). D’une part, une étude contrôlée randomisée rapporte que 98% des enfants nourris selon l’approche BLISS avaient un poids normal à 12 mois alors que seulement 2% étaient en sous-poids. De plus, aucun écart significatif n’a été démontré au niveau de la circonférence de la tête et de la taille des bébés (11). D’autre part, aucune différence significative n’a été observée au niveau de l’apport énergétique chez les enfants nourris selon la méthode BLISS comparativement à ceux nourris traditionnellement (14). Ces résultats laissent tout de même croire que l’approche BLISS mène à une croissance adéquate pour la majorité des enfants. Cela étant dit, avant l’âge de 2 ans, les aliments solides et les purées sont complémentaires aux boires. Le lait maternel et les préparations commerciales pour nourrissons peuvent encore représenter plus du tiers de l’apport énergétique total (1).

Quels sont les bénéfices associés à la DME ?

1. Prévention de l’obésité

Plusieurs groupes cités dans la revue systématique de Bergamini et al. (2022) se sont penchés sur le rôle préventif de la DME/BLISS dans le développement de l’obésité. Les résultats sont malgré tout contradictoires, ce qui ne permet pas d’en tirer une conclusion ferme (12). En fait, une seule étude contrôlée et randomisée, chez les nourrissons de moins de 12 mois, a observé un gain de poids plus rapide dans le groupe traditionnel comparativement au groupe BLISS (11). Par contre, ces résultats ne sont pas significatifs (12). Nonobstant, Brown et Lee (2015) rapportent une meilleure écoute des signaux de satiété ainsi qu’une plus faible réponse aux stimuli alimentaires lors d’absence de faim chez les enfants suivant la DME comparativement aux bébés nourris par le parent (15). Le principe de partage des responsabilités d’Ellyn Satter permet à l’enfant d’explorer les aliments à son rythme, puisque lui seul décide de la quantité et des aliments consommés parmi ceux offerts (16). De plus amples études sont nécessaires pour valider l’impact de l’alimentation autonome sur la prévention du développement de l’obésité à long terme comme plusieurs variables peuvent interférer avec les résultats (allaitement, poids à la naissance, âge au début de l’introduction des aliments complémentaires, etc.) (15). Néanmoins, la DME semble une avenue prometteuse vu l’influence de l’écoute des signaux de satiété et de l’autorégulation des apports alimentaires sur la réduction du risque d’obésité pendant l’enfance (17).

2. Répertoire alimentaire

La seule différence observée au niveau de la variété alimentaire entre les enfants nourris selon l’approche BLISS et ceux nourris aux purées réside dans la plus grande variété de fruits et légumes consommés par les enfants qui se nourrissent de manière autonome à l’âge de 2 ans (18). La composante d’exploration qui est présente dans l’approche par DME/BLISS, pourrait avoir comme effet d’augmenter l’acceptabilité des aliments chez les jeunes enfants (19, 20, 21, 22). Un enfant initié à la DME pourrait donc avoir un plus grand répertoire alimentaire à long terme. Des études supplémentaires évaluant les différences au niveau des préférences et de la variété alimentaire auprès d’enfants âgés de plus de 2 ans en fonction de la méthode d’introduction des solides utilisée sont nécessaires.

3. Développement moteur

Une initiation à l’alimentation autonome dès l’âge de 6 mois offre plus d’opportunités aux bébés de développer leurs compétences au niveau de la motricité globale et fine (8). Ces expositions plus fréquentes permettent aussi aux enfants d’acquérir des habiletés orales pour la gestion des différentes textures et différents types d’aliments (20, 22). Ces acquis pourraient possiblement réduire le risque d’étouffement avec les aliments en morceaux (5, 13).

Au-delà des inquiétudes, la DME modifiée (BLISS) apparaît aussi sécuritaire que les purées pour introduire les aliments solides chez bébé, en plus d’apporter certains avantages. Par contre, des études supplémentaires sont nécessaires sur les apports nutritionnels oraux pour écarter complètement le risque de croissance inadéquate lié à cette approche. Il reste essentiel que la famille soit bien informée des mesures à mettre en place pour limiter les risques et adapter l’alimentation selon les besoins particuliers de bébé.

Une nutritionniste d’ÉquipeNutrition sera en mesure de guider les parents durant cette période d’exploration des aliments. Contactez-nous pour en apprendre plus sur nos services.

Références :  

  1. Organisation mondiale de la santé (2021). Alimentation du nourrisson et du jeune enfant. https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/infant-and-young-ch…
  2. Santé Canada. (2010, novembre). Apports nutritionnels de référence. https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/aliments-nutrition/saine…
  3. Naylor, A.J. et Morrow, A.L. « Developmental Readiness of Normal Full Term Infants to Progress from Exclusive Breastfeeding to the Introduction of Complementary Foods », Wellstart International and the LINKAGES Project/Academy for Educational Development, 2001, p. 1-44
  4. Public Health Agency. (2020, février). Weaning made easy moving from milk to family meals. https://www.publichealth.hscni.net/sites/default/files/Weaning%20made%2…
  5. Wright, C. M., Cameron, K., Tsiaka, M. et Parkinson, K. N. (2011). Is baby-led weaning feasible? When do babies first reach out for and eat finger foods?. Maternal & child nutrition, 7(1), 27–33. https://doi.org/10.1111/j.1740-8709.2010.00274.x
  6. Cameron, S. L., Heath, A. L. et Taylor, R. W. (2012). How feasible is Baby-led Weaning as an approach to infant feeding? A review of the evidence. Nutrients, 4(11), 1575–1609. https://doi.org/10.3390/nu4111575
  7. Rapley G. (2011). Baby-led weaning: transitioning to solid foods at the baby's own pace. Community practitioner : the journal of the Community Practitioners' & Health Visitors' Association, 84(6), 20–23.
  8. Daniels, L., Heath, A. L., Williams, S. M., Cameron, S. L., Fleming, E. A., Taylor, B. J., Wheeler, B. J., Gibson, R. S. et Taylor, R. W. (2015). Baby-Led Introduction to SolidS (BLISS) study: a randomised controlled trial of a baby-led approach to complementary feeding. BMC pediatrics, 15, 179. https://doi.org/10.1186/s12887-015-0491-8
  9. Daniels, L., Taylor, R. W., Williams, S. M., Gibson, R. S., Fleming, E. A., Wheeler, B. J., Taylor, B. J., Haszard, J. J. et Heath, A. M. (2018). Impact of a modified version of baby-led weaning on iron intake and status: a randomised controlled trial. BMJ open, 8(6), e019036. https://doi.org/10.1136/bmjopen-2017-019036
  10. Daniels, L., Taylor, R. W., Williams, S. M., Gibson, R. S., Samman, S., Wheeler, B. J., Taylor, B. J., Fleming, E. A., Hartley, N. K. et Heath, A. M. (2018). Modified Version of Baby-Led Weaning Does Not Result in Lower Zinc Intake or Status in Infants: A Randomized Controlled Trial. Journal of the Academy of Nutrition and Dietetics, 118(6), 1006–1016.e1. https://doi.org/10.1016/j.jand.2018.02.005
  11. Dogan, E., Yilmaz, G., Caylan, N., Turgut, M., Gokcay, G. et Oguz, M. M. (2018). Baby-led complementary feeding: Randomized controlled study. Pediatrics international : official journal of the Japan Pediatric Society, 60(12), 1073–1080. https://doi.org/10.1111/ped.13671
  12. Bergamini, M., Simeone, G., Verga, M. C., Doria, M., Cuomo, B., D'Antonio, G., Dello Iacono, I., Di Mauro, G., Leonardi, L., Miniello, V. L., Palma, F., Scotese, I., Tezza, G., Caroli, M. et Vania, A. (2022). Complementary Feeding Caregivers' Practices and Growth, Risk of Overweight/Obesity, and Other Non-Communicable Diseases: A Systematic Review and Meta-Analysis. Nutrients, 14(13), 2646. https://doi.org/10.3390/nu14132646
  13. Brown A. (2018). No difference in self-reported frequency of choking between infants introduced to solid foods using a baby-led weaning or traditional spoon-feeding approach. Journal of human nutrition and dietetics : the official journal of the British Dietetic Association, 31(4), 496–504. https://doi.org/10.1111/jhn.12528
  14. Taylor, R. W., Williams, S. M., Fangupo, L. J., Wheeler, B. J., Taylor, B. J., Daniels, L., Fleming, E. A., McArthur, J., Morison, B., Erickson, L. W., Davies, R. S., Bacchus, S., Cameron, S. L. et Heath, A. M. (2017). Effect of a Baby-Led Approach to Complementary Feeding on Infant Growth and Overweight: A Randomized Clinical Trial. JAMA pediatrics, 171(9), 838–846. https://doi.org/10.1001/jamapediatrics.2017.1284
  15. Brown, A. et Lee, M. D. (2015). Early influences on child satiety-responsiveness: the role of weaning style. Pediatric obesity, 10(1), 57–66. https://doi.org/10.1111/j.2047-6310.2013.00207.x
  16. Ellyn Satter Institute. « The Division Of Responsability In Feeding », 2022, repéré à https://www.ellynsatterinstitute.org/how-to-feed/the-division-of-respon…
  17. Johnson, S. L., & Birch, L. L. (1994). Parents' and children's adiposity and eating style. Pediatrics, 94(5), 653–661.
  18. Morison, B. J., Heath, A. M., Haszard, J. J., Hein, K., Fleming, E. A., Daniels, L., Erickson, E. W., Fangupo, L. J., Wheeler, B. J., Taylor, B. J. et Taylor, R. W. (2018). Impact of a Modified Version of Baby-Led Weaning on Dietary Variety and Food Preferences in Infants. Nutrients, 10(8), 1092. https://doi.org/10.3390/nu10081092
  19. Gill Rapley (2018) Starting solid foods: does the feeding method matter?, EarlyChild Development and Care, 188:8, 1109-1123, DOI: 10.1080/03004430.2016.1250080
  20. Boswell N. (2021). Complementary Feeding Methods-A Review of the Benefits and Risks. International journal of environmental research and public health, 18(13), 7165. https://doi.org/10.3390/ijerph18137165
  21. Fu, X., Conlon, C. A., Haszard, J. J., Beck, K. L., von Hurst, P. R., Taylor, R. W. et Heath, A. M. (2018). Food fussiness and early feeding characteristics of infants following Baby-Led Weaning and traditional spoon-feeding in New Zealand: An internet survey. Appetite, 130, 110–116. https://doi.org/10.1016/j.appet.2018.07.033
  22. Neves, F. S., Romano, B. M., Campos, A., Pavam, C. A., Oliveira, R., Cândido, A. et Pereira Netto, M. (2021). Brazilian health professionals' perception about the Baby-Led Weaning (BLW) method for complementary feeding: an exploratory study. Revista paulista de pediatria : orgao oficial da Sociedade de Pediatria de Sao Paulo, 40, e2020321. https://doi.org/10.1590/1984-0462/2022/40/2020321
Nutritionniste - Diététiste