Devrions-nous utiliser le jeûne intermittent pour la perte de poids?

Perte de poids
melon en forme d'horloge

Le début de l’année rime avec bonne résolution, qui rime avec perte de poids. Parmi mes multitudes d’options, vos clients vous questionneront peut-être sur le jeûne intermittent. Mais que dit la littérature scientifique sur l’impact du jeûne intermittent (IF) sur la perte de poids?

Quels sont les types de jeûnes intermittents?

Un jeûne intermittent pourrait être défini par des périodes limitées d’abstinence de nourriture et de boisson (1). On peut les diviser en plusieurs sous-catégories (1-3):

Jeûne complet alterné (complete alternate-day fasting) : journées de jeûne complet et de diète ad libitum, incluant le jeûne alterné (alternate-day fasting), soit une journée de jeûne sur deux et la méthode eat-stop-eat, soit deux journées non consécutives de jeûne de 24h par semaine.

Régime de jeûne modifié: permet une consommation de 20-25% des besoins énergétiques lors des journées de jeûne. Inclut la méthode 5:2 , soit la consommation du quart des besoins caloriques deux jours par semaine.

Alimentation restreinte dans le temps: régime ad libitum dans une plage de temps limité entraînant une période étendue et prolongée de jeûne dans la journée. La populaire méthode 16/8, qui inclut une prise de repas sur une période de 8h et jeûne d’une période de 16h ainsi que la diète Warrior (jeûne de 20h et prise alimentaire sur une période de 4h) en font partie.

Régime religieux: Différents régimes de jeûne réalisés pour des raisons religieuses ou spirituelles (incluant le ramadan). Ceux-ci ne seront pas discutés dans cet article.

Quel est l’impact démontré du jeûne sur la perte de poids?

Plusieurs groupes ont étudié l'impact de l’IF sur la perte de poids. Une revue systématique publiée en 2019 a rapporté qu’une perte de poids a été observée dans toutes les études, de 0,8 à 13% du niveau de base. Par contre, la courte durée des études, la variabilité des protocoles (l’absence des groupes contrôles, la présence de diète ad libitum ou non pendant la période de prise alimentaire, la composition de la diète, etc.) et l’utilisation de plusieurs types de techniques de jeûne (jeûne complet alterné, jeûne modifié ou alimentation restreinte dans le temps) limitent l’interprétation des résultats, comme le stipulent les auteurs (4). Comparativement à une restriction calorique en continu, la plupart des études rapportent que l’IF ne semble pas entraîner une perte de poids supérieure (4). Ces résultats concordent avec ceux d’une précédente revue systématique publiée en 2015 (5).

Plusieurs méta-analyses ont également été réalisées. L’étude de Harris et coll.,incluant 6 études randomisées contrôlées ou pseudo randomisées contrôlées, rapportent une perte de poids significative comparativement à un groupe contrôle, mais aucune différence n’est observée comparativement à une restriction calorique en continu (6). Wang et coll. publie en 2021 une méta-analyse comparant l’impact de l’IF sur la perte de poids chez les diabétiques de type II. Incluant 5 études, les auteurs observent une plus grande perte de poids avec IF que la restriction calorique en continu (7). Par contre, les auteurs concluent que des études supplémentaires, contenant de plus grands échantillons, sont nécessaires (7).  Une méta-analyse publiée l’année passée incluant 7 études conclut que la perte de poids est plus grande comparativement à un groupe contrôle (et non une diète hypocalorique) (8). Parallèlement à ces résultats, une autre méta-analyse publiée en 2020 conclut qu’il n’y a pas de différence significative entre l’IF et la restriction calorique en continu pour la perte de poids, le tour de taille ou le pourcentage de gras (9).

Certains auteurs ont tenté de dissocier les effets des différents types de jeûnes. Dans ces revues comparatives, la très grande majorité des études observent une perte de poids chez les participants, généralement sans différence significative avec une restriction calorique en continu, lorsque ce type de groupe contrôle est utilisé. (1,2). Compte tenu du nombre limité d’études, de participants et de la durée courte des études, il est impossible de valider la différence de résultats entre les différents types de jeûne.

L’IF semble donc avoir un impact semblable à un régime de déficit énergétique en continu sur la perte de poids, mais des études supplémentaires sont nécessaires.

Quels sont les mécanismes d’action proposée du jeûne?

Il existe quatre théories prédominantes pour expliquer l’impact de l’IF sur la perte de poids. La première concerne l’alignement du cycle circadien avec la prise alimentaire. Ce cycle permet aux mammifères d’adapter leur cycle de repos/activité à la variation de la lumière du jour. Le centre de contrôle de ce cycle provient notamment du noyau suprachiasmatique hypothalamique (NSC), effectuant des changements au niveau des taux de certaines hormones circulante (p. ex: mélatonine, l’hormone de croissance, le cortisol et le glucagon), la température corporelle, ainsi que le taux de nutriments circulant (2, 10).  Ces changements permettent aux organes périphériques d'anticiper les périodes de nourrissement et de jeûne et d’adapter leur métabolisme (anabolique ou catabolique) en conséquence (2, 10).  Ainsi, un alignement entre la période de prise alimentaire et le cycle circadien permettrait une meilleure régulation du cycle éveil/repos (10). Certains constats, comme l’observation que le moment de la prise alimentaire (le matin vs la soirée) a un impact sur la prise de poids indépendamment de la consommation calorique (2) ainsi que la prise alimentaire de nuit/travail de nuit est associée à une augmentation du risque d’obésité et du syndrome métabolique (2, 10), indépendamment de l’apport calorique, appuient cette théorie.

Une seconde hypothèse est l’adaptation métabolique au jeûne, la diminution de concentration de glucose et l’épuisement de réserve de glycogène entraînant une augmentation de la néoglucogenèse et l'oxydation des acides gras libres, une production de cétones et augmentation de la lipolyse des adipocytes (11,12). Une troisième théorie concerne le changement du microbiote intestinal pendant le jeûne (2). Cette théorie découle de l’observation que l’alimentation restreinte dans le temps permet la restauration de la variation cyclique de plusieurs familles de bactéries affectant l'absorption de plusieurs nutriments et ayant potentiellement un effet protecteur sur les impacts métaboliques de l’obésité chez la souris (13). Une plus grande excrétion de produits de dégradation de glucides complexes pouvant seulement être dégradés par la flore intestinale a également été observée (13,14).

La dernière théorie reliant le jeûne intermittent avec la perte de poids est la diminution de l’apport énergétique total. En effet, un déficit énergétique de 2 à 9% plus grand que dans le groupe contrôle en restriction continue a été observé dans plusieurs études (1,2).  

Plusieurs études sont nécessaires pour confirmer les mécanismes d’action reliant l’impact de l’IF sur la perte de poids

Quoi en conclure?

Plusieurs auteurs concluent que la perte de poids atteinte avec l’IF n’est pas supérieure à une restriction calorique continue (1,2,5,6,9). La durée courte des études, le nombre très limité de participants, les différents types d’IF limitent également l’interprétation des résultats. Malgré tout, l'IF pourrait être une option envisageable pour certaines personnes dont ce mode de vie convient à long terme, puisque la perte de poids est semblable à une restriction calorique continue.

Au-delà des modes alimentaires, l’adaptation de l’alimentation à la réalité de vos patients est fondamentale pour des changements durables sur la santé. Une nutritionniste pour perdre du poids ou pour modifier ses habitudes alimentaires sera en mesure de choisir avec vos patients la meilleure approche selon leurs habitudes de vie.

Références :  

  1. Patterson RE et Sears DD. Metabolic Effects of Intermittent Fasting. Annu Rev Nutr. 2017;37:371-393.
  2. Rynders CA, Thomas EA, Zaman A et al. Effectiveness of Intermittent Fasting and Time-Restricted Feeding Compared to Continuous Energy Restriction for Weight Loss. Nutrients. 2019; 11(10): 2442.
  3. Gunnars K. How Intermittent Fasting Can Help You Lose Weight. Healthline. [En ligne]. 2020. [consulté le 28 janvier 2022]. Disponible: https://www.healthline.com/nutrition/intermittent-fasting-and-weight-lo…
  4. Welton S, Minty R, O’Driscoll T et al. Intermittent fasting and weight loss: Systematic review.Can Fam Physician. 2020;66(2):117-125.
  5. Seimon RV, Roekenes JA, Zibellini J et al. Do intermittent diets provide physiological benefits over continuous diets for weight loss? A systematic review of clinical trials. Mol Cell Endocrinol. 2015;418 Pt 2:153-172.
  6. Harris L, Hamilton S, Azevedo LB et al. Intermittent fasting interventions for treatment of overweight and obesity in adults: a systematic review and meta-analysis. JBI Database System Rev Implement Rep.2018 ;16(2):507-547.
  7. Wang X, Li Q, Jiang H et al. Intermittent fasting versus continuous energy-restricted diet for patients with type 2 diabetes mellitus and metabolic syndrome for glycemic control: A systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Diabetes Res Clin Pract. 2021;179:109003.
  8. Borgundvaag E, Mak J et Kramer CK. Metabolic Impact of Intermittent Fasting in Patients With Type 2 Diabetes Mellitus: A Systematic Review and Meta-analysis of Interventional Studies. J Clin Endocrinol Metab. 2021;106(3):902-911.
  9. Guerrero AE,  San Mauro Martin I, Garicano Vilar E et al. Effectiveness of an intermittent fasting diet versus continuous energy restriction on anthropometric measurements, body composition and lipid profile in overweight and obese adults: a meta-analysis. Eur J Clin Nutr. 2020;75(7):1024-1039.  
  10. Longo VD et Panda S. Fasting, circadian rhythms, and time restricted feeding in healthy lifespan. Cell Metab. 2016; 23(6): 1048–1059.
  11. Malinowski B, Zalewska K, Węsierska A et al. Intermittent fasting in cardiovascular disorders—an overview. Nutrients. 2019;11(3):673.
  12. Hatori M, Vollmers C, Zarrinpar A et al. Time-restricted feeding without reducing caloric intake prevents metabolic diseases in mice fed a high-fat diet. Cell Metab. 2012;15(6): 848–860.
  13. Chaix, A et Zarrinpar, A. The effects of time-restricted feeding on lipid metabolism and adiposity. Adipocyte. 2015;4(4):319–324.
  14. Zarrinpar A, Chaix A, Yooseph S et al. Diet and feeding pattern affect the diurnal dynamics of the gut microbiome. Cell Metab. 2014;20(6):1006–1017. 
Nutritionniste - Diététiste à Québec