La maladie inflammatoire de l'intestin (MII), incluant la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse, est caractérisée par une activation du système immunitaire du tube digestif, dont la cause exacte reste inconnue à ce jour (1). Certes, des facteurs génétiques, environnementaux (par ex. la cigarette, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), l'alimentation), la flore intestinale et la réponse immunitaire semblent jouer un rôle dans son développement (1, 2).
Pathophysiologie et complications
Certaines hypothèses existent expliquant l’étiologie de la MII. La première étant une altération de la barrière intestinale permettant aux fragments bactériens de pénétrer dans l'épithélium intestinal, déclenchant une réaction inflammatoire chronique localisée (2). En parallèle, une modification de la composition, sous forme d’une réduction de la diversité bactérienne et d'une augmentation des pathogènes, ainsi qu'une altération des fonctions du microbiote intestinal, est souvent observée (2). Par exemple, dans la maladie de Crohn, ces perturbations incluent une diminution des bactéries bénéfiques telles que Akkermansia muciniphila, Bifidobacteria spp et F. prausnitzii et une prolifération de pathogènes comme E. coli et Candida Tropicalis (2).
Les complications reliées à la MII dépendent de la région intestinale affectée. Lors des phases actives de la maladie de Crohn, les symptômes incluent des douleurs abdominales, la diarrhée, la perte de poids et fatigue. De plus, des complications telles que des fistules, des sténoses et des ulcérations buccales peuvent survenir (4). Pour la colite ulcéreuse, elle se distingue principalement par des ulcérations de la muqueuse spécifiquement au niveau du côlon et est souvent caractérisée par des selles avec du mucus et du sang, ainsi qu'une fréquence accrue de saignements rectaux (5). Lors des phases aiguës, des fissures anales, fistules, abcès, et même des obstructions et perforations de l’intestin peuvent être observées (5). Vivre avec une MII augmente les risques de malnutrition, de déshydratation et de carence en fer et vitamine D, d'où l'importance de porter une attention particulière à la qualité de l'alimentation selon les phases et symptômes (2). Les MII sont également associées avec d'autres conditions de santé comme l’anémie, l'ostéoporose et le cancer du côlon à long terme (5).
Stratégie nutritionnelle en phase de rémission
L'alimentation est une partie intégrante de la thérapie chez les patients-clients vivant avec la MII, car elle joue un rôle important dans la composition et le fonctionnement du microbiote intestinal, la barrière intestinale, l'immunité de l'hôte et la physiologie intestinale. Actuellement, il n'existe aucun régime alimentaire spécifiquement recommandé pour promouvoir la rémission ni pour prévenir des rechutes (6). Une méta-analyse récente (2023) indique, avec des preuves limitées (de faible à très faible qualité), que les régimes réduits en glucides raffinés et les régimes d'exclusion guidés par les symptômes pourraient favoriser la rémission chez les personnes atteintes de la maladie de Crohn (7). La revue révèle également que les régimes à base de glucides spécifiques et méditerranéen offrent des avantages similaires, mais que le régime méditerranéen serait plus favorable pour l’adhérence. En revanche, les interventions excluant le carraghénane et les produits laitiers ne semblent pas avoir d'effet significatif sur la rémission de la MII (7). Malgré ses conclusions de faible qualité, les patrons alimentaires de style meditéraneen limitant la viande rouge et les viandes transformées, privilégiant les fruits et légumes ainsi que le poisson riche en acides gras oméga-3 sont fortement recommandés par le groupe d’expert ESPEN pour leurs propriétés anti-inflammatoires et leur impact positif sur le microbiote (1, 6). Une étude clinique récente (n=53), a comparé les effets d’une diète anti-inflammatoires (caractérisée par une augmentation de la consommation d'antioxydants, de fibres alimentaires, de probiotiques, d’oméga-3 et une diminution de la consommation de viande rouge et transformée et de sucre ajouté) et d’une diète contrôle (suivant les principes du Guide alimentaire Canadien) sur des participants atteints de colite ulcéreuse en phase de rémission pendant 6 mois. Les auteurs n'ont pas trouvé de différence statistiquement significative concernant les rechutes, mais des changements prometteurs ont été observés chez les participants du groupe d'intervention, notamment une réduction de l'inflammation colique mesurée par la calprotectine fécale, ainsi que des modifications positives dans la composition bactérienne intestinale et de leurs métabolites (8). Les recommandations nutritionnelles doivent donc être personnalisées et basées sur une approche individuelle, en attendant des recherches plus approfondies et de meilleure qualité pour fournir des bases solides en vue de recommander une thérapie nutritionnelle généralisée.
Les fibres alimentaires, la clé du succès ?
Durant les phases actives de la MII, certains patients-clients réduisent leurs apports en fibres alimentaires comme thérapie nutritionnelle afin de soulager leurs symptômes. Toutefois, contrairement à certaines croyances, les patients-clients n’ayant pas de sténoses intestinales n’ont pas besoin de limiter leur consommation de fibres alimentaires en dehors des périodes de poussée. Les fibres alimentaires sont essentielles pour soutenir la diversification de la flore intestinale et donc la santé de celle-ci. Un régime alimentaire riche en fibres (au moins 30 g par jour) et en prébiotiques (contenus dans de nombreux végétaux comme la racine de chicorée, l’ail, l'oignon, le son de blé, la banane crue) est recommandé tout au long de la phase de rémission (6, 9). Un(e) nutritionniste-diététiste dans l’équipe multidisciplinaire est essentiel pour accompagner vos patients-clients à réintégrer, augmenter et diversifier progressivement les fibres alimentaires (6, 9).
Avenue future : émulsifiants, pesticides et probiotiques
Certains émulsifiants, herbicides et probiotiques sont eux aussi des avenues à explorer. Les émulsifiants sont des substances qui aident à mélanger deux liquides non miscibles, comme l'huile et l'eau. Ils sont couramment utilisés dans les produits alimentaires pour améliorer la texture, prolonger la durée de conservation et améliorer la consistance. Cependant, leur impact sur la santé, en particulier pour les personnes atteintes de la MII, est un sujet de recherche et d'intérêt en cours. Des études expérimentales et, plus récemment, une étude clinique suggèrent que l’émulsifiant carboxyméthylcellulose pourrait contribuer à des changements négatifs dans le microbiote (6, 10). Ces résultats préliminaires montrent qu'un régime riche en aliments entiers et non transformés, qui sont moins susceptibles de contenir des émulsifiants, doit être privilégié pour limiter les risques.
L'exposition à certains pesticides, notamment le glyphosate, qui est l'herbicide le plus utilisé en Amérique, peut altérer la perméabilité intestinale et déséquilibrer le microbiote, ce qui pourrait contribuer au développement de la MII (11). Pour certains produits végétaux, il peut être avantageux de choisir les versions biologiques, en particulier lorsqu'ils sont susceptibles de contenir des concentrations élevées de glyphosate et d'autres pesticides (par exemple, l’avoine et le maïs).
En ce qui concerne les probiotiques, ils ne sont actuellement pas recommandés pour le traitement ou la prévention des MII actives ou des récidives (6). Cependant, certaines études suggèrent que des souches spécifiques de probiotiques pourraient aider à réduire les poussées et les symptômes de la MII. Dans un essai clinique multicentrique, randomisé et contrôlé, les patients ayant consommé la formule VSL#3 deux fois par jour pendant 12 semaines ont montré des taux de rémission significativement plus élevés que ceux du groupe placebo (43 % contre 16 %). De plus, les scores du Disease Activity Index for Ulcerative Colitis ont diminué de 50 % (12). Une petite étude a également révélé une réduction des taux de rechute clinique après six mois d'utilisation de S. boulardii, comparé au placebo, chez les participants vivant avec la maladie de Crohn (13). Cependant, malgré ces résultats prometteurs, les comités d'experts ne peuvent pas encore tirer de conclusions fermes, car plusieurs autres études cliniques n'ont rapporté aucun effet (6). En général, les probiotiques sont considérés comme sécuritaires, avec peu d'effets indésirables. Inclure des sources alimentaires de probiotiques comme le kéfir, le tempeh, le miso et la choucroute, ainsi qu’un supplément au besoin, pourrait faire partie intégrante d’un accompagnement nutritionnel avec un professionnel.
Les maladies inflammatoires de l'intestin n'ont pas de cure définitive (à l'exception de la chirurgie dans certains cas), mais une approche nutritionnelle peut aider à gérer les symptômes et à prévenir les poussées futures. Chez ÉquipeNutrition, nous offrons un accompagnement personnalisé pour optimiser la santé digestive et minimiser les complications liées à la MII. Pour découvrir comment nos nutritionnistes peuvent vous aider, visitez notre site web ou contactez-nous directement.
Références
- Reznikov, E. A., & Suskind, D. L. (2023). Current nutritional therapies in inflammatory bowel disease: improving clinical remission rates and sustainability of long-term dietary therapies. Nutrients, 15(3), 668.
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- Pascal, V., Pozuelo, M., Borruel, N., Casellas, F., Campos, D., Santiago, A., ... & Manichanh, C. (2017). A microbial signature for Crohn's disease. Gut, 66(5), 813-822.
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- Limketkai, B. N., Godoy-Brewer, G., Parian, A. M., Noorian, S., Krishna, M., Shah, N. D., White, J., & Mullin, G. E. (2023). Dietary Interventions for the Treatment of Inflammatory Bowel Diseases: An Updated Systematic Review and Meta-analysis. Clinical gastroenterology and hepatology : the official clinical practice journal of the American Gastroenterological Association, 21(10), 2508–2525.e10.
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