Qu’est-ce que l’alimentation consciente intuitive et que dit la littérature ?

Alimentation intuitive
Amis qui mangent un repas

Alimentation consciente intuitive (AI) est une approche gagnant en popularité qui anime de plus en plus les réseaux sociaux. Présentée comme une solution de remplacement aux régimes, elle est parfois interprétée comme un mouvement reniant l’importance de la qualité alimentaire et du poids. Mais est-ce vraiment le cas ?
 

Qu’est-ce que l’AI et d’où vient cette approche ?

Cette approche a été développée par deux nutritionnistes, Evelyne Tribole et Elyse Resh, en 1995 (1). Celles-ci ont observé que les diètes prescrites ne permettaient pas à leurs clients de maintenir une perte de poids à long terme, ce qui les a poussées à développer cette approche (1). L’AI a été popularisée au par la nutritionniste Karine Gravel à l’aide de sa thèse, publiée en 2013 (2). L’AI permet aux patients de reconnaître les signaux physiologiques reliés à la faim et la satiété, considérer l’émotion associée à la prise alimentaire, reconnaître sans jugement les raisons qui nous poussent à manger sans faim ou nous pousse à dépasser notre satiété et permet une régularisation du poids à long terme (3-5). L’AI peut se diviser en dix grands principes :
Graphique montrant les 10 principes de l'alimentation intuitive

Cette approche centrée sur le patient promeut la diversité corporelle, focalise sur les impacts sur la santé et la qualité de vie et non seulement sur le poids, permet une reconnexion à nos signaux de faim et de satiété, permet une réduction de la culpabilité et de la notion que certains aliments sont à bannir et permet l’intégration d’une saine alimentation et d’augmenter l’activité physique pour le plaisir de le faire (5-7). 

Quel est l’impact de l’AI sur la perte de poids?

Bien que le but de cette approche ne soit pas la perte de poids, certaines études se sont penchées plus précisément sur ces résultats. Selon une méta-analyse publiée en 2019, une perte de poids significativement plus grande chez les participants suivant une intervention basée sur l’AI est observée comparativement à un groupe contrôle sans diète. Cette perte de poids n’est pas significativement différente à un groupe contrôle sous diète, laissant présager qu’une intervention d’AI peut amener une perte de poids similaire qu’une diète traditionnelle (8). Dans une autre méta-analyse publiée l’année suivante, une perte de poids plus grande est observée chez les participants ayant une intervention de perte de poids, mais cette différence n’est pas significative (9). Une autre méta-analyse rapporte une perte de poids modérée avec une intervention basée sur la pleine conscience (10). Une méta-analyse similaire rapporte une perte de 4,2 kg chez les participants en surplus de poids ou souffrant d’obésité (11).
Bien que l’AI n’a pas comme objectif d’entraîner une perte de poids, ces études suggèrent qu’elle peut tout de même affecter ce paramètre de santé positivement. Ceci est d’ailleurs rapporté par les nouvelles lignes directrices pour la gestion de l’obésité de 2020 (7).

Est-ce que l’AI a un impact sur la qualité alimentaire ?

Certains professionnels de la santé se questionnent sur l'impact de cette approche sur la qualité alimentaire. Selon une revue systématique publiée en 2021, la majorité des études ne rapportent pas de différence au niveau de l’apport alimentaire entre les participants suivant des interventions d’AI comparativement aux groupes contrôles (12). Par contre, l’interprétation des résultats doit se faire avec prudence, étant donné que les études contiennent une quantité limitée de participants, sont d’une courte période et les groupes sont généralement homogènes (généralement des femmes en surplus de poids). Une étude transversale de 1860 participants rapporte également une consommation plus grande de fruits et légumes chez les étudiants ayant naturellement une alimentation plus intuitive selon un questionnaire (13). Cette association n’est pas aussi claire avec les autres groupes alimentaires. Une étude d’envergure observe des effets discordants de l’AI sur la qualité alimentaire. Certaines composantes de l’AI (comme le fait de respecter ses signaux de faim et de satiété et de manger pour des raisons physiologiques plutôt qu’émotionnelles) sont associées à une plus grande consommation de légumes et de grains entiers chez les femmes, mais cette relation n’est pas observée chez les hommes (14). À l'inverse, une moins grande consommation de boissons gazeuses et de collations salées est observée avec ces composantes pour les deux sexes (14). Des résultats similaires sont rapportés dans l’étude NutriNet-Santé (15).

Bien que la relation entre l’AI et la qualité alimentaire reste toujours à être élucidée, les études montrent que certains concepts de l’alimentation consciente, comme le respect des signaux de faim et de satiété, peuvent être associés à une meilleure qualité alimentaire.

Quels sont les impacts psychologiques de l’AI ?

Selon les nouvelles lignes directrices pour la gestion de l’obésité, l’AI (ainsi que les autres approches anti-diète) pourrait être efficace pour les troubles d’hyperphagie boulimique, les troubles alimentaires et pourrait affecter positivement les comportements alimentaires (7).

En effet, selon une revue de la littérature, les gens ayant une alimentation plus intuitive sont moins susceptibles de souffrir de troubles alimentaires et de suivre des régimes (16). La littérature est cependant plus limitée concernant les autres comportements alimentaires (16). Cependant, des études rapportent que l’AI est associée à une image corporelle positive et d’autres aspects psychologiques, comme une estime de soi plus élevée, une meilleure écoute et sensibilité aux signaux corporelles (dont à l’écoute des signaux de faim et de satiété) et une plus grande motivation à entreprendre une activité physique (16).   Une méta-analyse récente rapporte que l’AI est inversement associée à plusieurs indices d’une alimentation pathologique, une perturbation de l’image corporelle, une détresse psychologique et positivement associée à plusieurs construits psychologiques positifs (17). Ces études sont cependant généralement transversales, limitant ainsi la possibilité d’établir  un lien de cause à effet. Également, une étude longitudinale sur 8 ans chez des adolescents observe qu’une augmentation de l’AI dans le temps est associée à un risque plus bas de souffrir de symptômes dépressifs, d’avoir une estime de soi basse, d’avoir une insatisfaction corporelle, de souffrir d’hyperphagie boulimique et d’avoir des comportements néfastes et extrêmes de contrôle du poids (18).

Bien que plusieurs études soient encore nécessaires, l’AI semble liée positivement à plusieurs éléments de bien-être psychologique et une diminution du risque de souffrir de troubles alimentaires. 

Quoi en conclure ?

L’AI est une avenue intéressante pour vos clients souffrants d’une relation conflictuelle avec la nourriture, souffrant de désordre alimentaire tel que l’hyperphagie boulimique et pourrait permettre de stabiliser (et peut-être diminuer) le poids de vos clients ayant réalisé des régimes à répétition. Une nutritionniste d’ÉquipeNutrition sera en mesure de trouver la meilleure approche pour votre client selon ses habitudes alimentaires, son historique de poids et sa relation avec la nourriture. N’hésitez pas à nous contacter pour avoir plus d'informations sur nos services professionnels. 

 

Références

 

  1. Tribole, E., & Resch, E. (1995). Intuitive Eating : A Revolutionary Program That Works. Saint Martin’s Paperbacks, New York.

  2. Gravel, K. (2013). Manger avec sa tête ou selon ses sens : perceptions et comportements alimentaires, thèse de Doctorat, Université Laval Québec, Canada. 

  3. Dugmore, JA., Winten, CG., Niven, HE., Bauer, J. (2020). Effects of weight-neutral approaches compared with traditional weight-loss approaches on behavioral, physical, and psychological health outcomes: a systematic review and meta-analysis. Nutr Rev.; 78(1):39-55. doi:10.1093/nutrit/nuz020

  4. Ulian, MD., Aburad, L., da Silva Oliveira, MS., et al. (2018). Effects of health at every size interventions on health-related outcomes of people with overweight and obesity: a systematic review. Obes Rev.;19(12):1659-1666. doi:10.1111/ obr.12749

  5. Warren, JM., Smith, N., and Ashwell, M. (2017). A structured review on the role of mindfulness, mindful eating and intuitive eating in changing eating behaviours: effectiveness and associated potential mechanisms. Nutr Res Rev; 30(2):272-283.

  6. Robison, J. (2005) Health at Every Size: Toward a new Paradigm of weight and heatlh, Med Gen Med.; 7(3).

  7. Brown, J., Clarke, C., Johnson Stoklossa, C., et al. Canadian Adult Obesity Clinical Practice Guidelines: Medical Nutrition Therapy in Obesity Management. Available from: https://obesitycanada.ca/guidelines/nutrition. Consulté le 18 avril 2022. 

  8. Artiles, RF., Staub, K., Aldakak, A., et al. (2019).Mindful eating and common diet programs lower body weight similarly: Systematic review and meta-analysis.Obes Rev; 20(11):1619-1627. 

  9. Dugmore, SA., Winten, CG., Niven, HE. et Bauer J. (2020). Effects of weight-neutral approaches compared with traditional weight-loss approaches on behavioral, physical, and psychological health outcomes: a systematic review and meta-analysis. Nutr Rev;78(1):39-55. 

  10. Carrière, K., Khoury, B., Günak, MM. et Knäuper, B. (2018). Mindfulness-based interventions for weight loss: a systematic review and meta-analysis. Obes Rev;19(2):164-177. doi:10.1111/obr.12623

  11. Rogers, JM., Ferrari, M., Mosely, K., et al. (2017). Mindfulness-based interventions for adults who are overweight or obese: a meta-analysis of physical and psychological health outcomes. Obes Rev;18(1):51-67. 

  12. Grinder, HS., Douglas, SM. et Raynor HA. The Influence of Mindful Eating and/or Intuitive Eating Approaches on Dietary Intake: A Systematic Review. (2021). J Acad Nutr Diet;121(4):709-727.

  13. Christoph, MJ. Hazzard, VM., Järvelä-Reijonen, E. et al. Intuitive Eating is Associated With Higher Fruit and Vegetable Intake Among Adults. (2021). J Nutr Educ Behav;53(3):240-245.

  14. Horwath, C., Hagmann, D ,et Hartmann, C. (2019). Intuitive eating and food intake in men and women: results from the Swiss food panel study. Appetite;135:61-71.

  15. Camilleri, GM., Méjean, C., Bellisle, F. et al. (2017). Intuitive eating dimensions were differently associated with food intake in the general population-based NutriNet-Santé study. J Nutr;147: 61–69.

  16. Bruce, LJ. et Ricciardelli LA. A systematic review of the psychosocial correlates of intuitive eating among adult women. (2016). Appetite; 96:454-472.

  17. Linardon, J,. Tylka, TL. et Fuller-Tyszkiewicz, M. Intuitive eating and its psychological correlates: A meta-analysis. (2021). Int J Eat Disord;54(7):1073-1098.

  18. Hazzard, VM., Telke, SE., Simone, M. et al. Intuitive Eating Longitudinally Predicts Better Psychological Health and Lower Use of Disordered Eating Behaviors: Findings from EAT 2010–2018. (2021). Eat Weight Disord;26(1):287-294.

Nutritionniste - Diététiste à Québec